A l'écoute du temps
retrouvèrent autour de la
table à l'heure du déjeuner.
— En tout cas, je
pense qu'on est mieux de ben secouer nos souliers ou notre linge le matin,
avant de nous habiller, dit Richard. Il paraît que les rats aiment ça faire
leur nid dans le fond de nos souliers ou dans notre linge.
En guise de
réponse, l'adolescent eut droit à une taloche de sa mère.
— As-tu fini de
dire des niaiseries pour faire peur au monde, toi? lui cria-t-elle. Décolle,
espèce d'insignifiant! Va-t-en à l'école avant que je perde patience!
— Si des rats
font leur nid dans tes souliers puants, intervint Carole, ils vont mourir
empoisonnés.
— C'est vrai
qu'il sent bien mauvais des pieds, votre garçon, Laurette, confirma la
grand-mère, en jetant un regard sans douceur à son petit-fils en train
d'endosser son manteau. En plus, vous n'avez jamais pensé à lui faire arranger
les oreilles? Il me semble qu'il va finir par avoir un complexe, cet enfant-là,
avec des grandes oreilles aussi décollées.
Richard blêmit en
entendant ces paroles de sa grand-mère.
Rien ne pouvait
le blesser plus profondément qu'une remarque sur ses oreilles. Il en conçut
immédiatement une vive rancoeur. Il se retint de justesse d'être impoli à son
endroit. Au prix d'un réel effort de volonté, il fit comme s'il n'avait rien
entendu et se dirigea vers les toilettes. Dans la pièce exiguë encombrée par
une ancienne baignoire montée sur quatre pieds, il se regarda longuement dans
le miroir fixé au-dessus du lavabo, allant jusqu'à poser ses deux mains sur ses
oreilles pour les aplatir.
— Elles sont pas
si pires que ça, se répéta-t-il plusieurs fois à haute voix pour s'en
convaincre. Pourquoi elle a dit ça, la vieille? Elle, je l'haïs! ajouta-t-il en
serrant les 383 dents avant de tirer la chasse d'eau pour laisser croire qu'il
venait de satisfaire un besoin.
Quand il
rejoignit ses inséparables copains, au coin de la rue Emmett, leurs blagues ne
parvinrent pas à le dérider. L'adolescent n'était pas près d'oublier les
paroles blessantes de sa grand-mère paternelle.
Chapitre 16 Un
peu plus longtemps Le vendredi soir, Laurette attendit avec impatience le
moment où sa belle-mère se retirerait dans sa chambre pour parler à son mari.
Toute la journée, son humeur avait été au beau fixe. Le lendemain, sa visiteuse
allait enfin quitter son toit. Bon débarras! À cette seule pensée, son visage
s'illuminait. Elle n'aurait plus à supporter les critiques incessantes de la
vieille dame et elle n'aurait plus l'impression d'être jugée chaque fois
qu'elle poserait un geste. Fini le temps où elle se sentait coupable chaque
fois qu'elle allumait une cigarette ou qu'elle mangeait.
Vers neuf heures
trente, la mère de Gérard annonça qu'elle allait se coucher et lire quelques
minutes avant de dormir. Laurette jeta un coup d'oeil vers l'horloge murale
avant d'annoncer à ses trois plus jeunes enfants qu'il était l'heure, pour eux
aussi, d'aller se coucher.
— Mais m'man,
protesta Gilles, je viens juste d'arriver.
J'ai travaillé
chez Tougas jusqu'à neuf heures moins quart.
— Finis ton lait
au chocolat et va te coucher. Tu dois te lever de bonne heure demain matin pour
aller travailler.
Toi, Richard,
sors ton lit de la chambre de tes frères et couche-toi, toi aussi.
Carole quitta la
cuisine en même temps que sa grand-mère, laissant ses parents en compagnie de
Jean-Louis et Denise qui venaient à peine de revenir de leur travail.
385
— À quelle heure
tu penses que Rosaire va venir chercher ta mère demain? demanda Laurette à voix
basse à son mari, en train de replier La Presse.
— Je le sais pas.
— D'après toi,
elle va partir avant ou après le dîner?
— Comment veux-tu
que je le sache? fit son mari en manifestant une certaine impatience.
— Pour le savoir,
bonyeu! Il faudrait peut-être que tu te décides à appeler ta soeur pour
t'informer, tu penses pas?
— Je peux pas
faire ça devant ma mère. Elle va croire qu'on cherche à se débarrasser d'elle.
— Ben, là, t'es
pas devant elle. Elle est dans sa chambre.
Moi, je veux
savoir si on va l'avoir pour dîner ou si elle va partir demain matin.
— Maudit que t'es
fatigante! s'exclama Gérard en se levant et en s'approchant à contrecoeur du
téléphone.
Il composa le
numéro de téléphone de sa soeur et une téléphoniste lui répondit
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