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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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levant.
     
    — En tout cas,
excuse-toi à ta grand-mère, dit Gérard en durcissant le ton. Je t'avertis que
si tu reviens chaud encore une fois, tu vas coucher dehors. Tu m'entends?
     
    — Oui, p'pa
répondit son fils, piteux. Excusez-moi, grand-mère, dit-il à la vieille dame
qui n'avait pas encore ouvert la bouche.
     
    — Tu m'as fait la
peur de ma vie, mon garçon, se limita à dire Lucille. J'espère que tu te rends
compte que boire est le pire vice qu'on peut avoir.
     
    Une heure plus
tard, Jean-Louis, la mine toujours aussi déconfite, quitta la maison pour aller
travailler chez Dupuis.
     
    — J'en connais un
qui va trouver-la journée longue, fit remarquer Laurette.
     
    — C'est ben bon
pour lui, répliqua Gérard. Ça lui apprendra à se conduire comme du monde.
     
    — Bah! Faut pas
en faire un drame non plus, dit sa femme. Ça peut arriver à n'importe qui de
pas porter la boisson.
     
    375
     
    — Ben sûr, dit
Gérard, sarcastique. Ton chouchou peut pas rien faire de mal.
     
    — C'est vrai,
Laurette. J'ai remarqué que vous avez pas mal tendance à couver votre plus
vieux.
     
    Sa bru serra les
dents, réprimant difficilement la réplique cinglante qui lui était venue.
     
    La seconde
semaine du séjour de Lucille Morin chez son fils commençait. Après les
abondantes averses de neige de la fin de semaine, la température chuta de
nouveau, aggravée par un fort vent du nord. Le vieil appartement de la rue
Emmett devint encore plus glacial, même si on laissait le poêle à huile
fonctionner toute la journée.
     
    La fournaise
consommait une quantité inquiétante de charbon parce qu'on avait une nette
tendance à la suralimenter.
     
    — Mets pas trop
de charbon, prévint Gérard, avant d'aller travailler le mercredi matin. Si les
tuyaux deviennent rouges, mets tout de suite du gros sel.
     
    — Ben oui, ben
oui, répondit Laurette, excédée. Ça fait des années que je chauffe au charbon,
je sais quoi faire, bonyeu!
     
    — Il manquerait
plus qu'on mette le feu dans la maison, fit remarquer son mari en guise
d'explication.
     
    — Inquiète-toi
pas.
     
    — C'est quasiment
pas humain de rester dans une maison aussi froide, murmura Lucille Morin pour
la troisième fois depuis qu'elle était levée ce matin-là.
     
    — Vous avez juste
à vous mettre une grosse veste de laine sur le dos et des bons bas dans les
pieds, madame Morin, et vous allez voir que ça va être endurable, répliqua sa
bru.
     
    376 UN SÉJOUR
HOULEUX La veille, avant de s'endormir, Laurette s'était surprise à compter les
heures qui la séparaient de sa libération. Il lui restait un peu plus de
soixante-douze heures avant de voir sa belle-mère partir enfin et de pouvoir
remettre de l'ordre dans sa maison.
     
    — C'est ben
simple, avait-elle chuchoté à son mari avant qu'il ne s'endorme, j'ai plus
l'impression d'être chez nous avec elle dans la maison. Elle est là qui
surveille tout ce que je fais. Elle trouve que je mange trop, que je parle trop
fort, que j'élève mal les enfants et que je fais mal la cuisine.
     
    — Exagère donc
pas, la rembarra Gérard. Ma mère t'a jamais dit que tu parlais trop fort, que
t'élevais mal les enfants et que tu faisais mal la cuisine.
     
    — C'est ça,
traite-moi de menteuse, en plus! s'emporta Laurette. Il y a juste à voir sa
façon de me regarder et de prendre son petit air dédaigneux pour deviner ce
qu'elle pense. Cet après-midi encore, elle a même eu le front de me répéter que
fumer pour une femme, ça faisait vulgaire.
     
    De quoi elle se
mêle, bout de viarge? À l'entendre, je donne le mauvais exemple à nos filles.
Maudit que j'ai hâte qu'elle débarrasse le plancher! Il me semble que je vais
me mettre à respirer quand elle va être partie.
     
    — C'est ça, dit
Gérard sur un ton sarcastique en se tournant de l'autre côté et en ramenant les
couvertures au-dessus de son épaule gauche. À cette heure, dors.
     
    Le lendemain
après-midi, la radio jouait en sourdine et les deux femmes, assises dans leur
chaise berçante, étaient silencieuses. Laurette était revenue, une demi-heure
plus tôt, de sa visite quotidienne chez Emma Gravel et avait entrepris de
repriser une chemise de son mari. Sa belle-mère tricotait un châle avec de la
laine bleue. Dans quelques minutes, les enfants allaient rentrer de l'école et
s'installer à table pour faire leurs devoirs.
     
    377 Soudain, la
septuagénaire perçut un mouvement sous la table de cuisine.

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