A l'écoute du temps

tu vas en entendre parler.
     
    — Aie! Penses-tu
qu'elle les compte? répliqua Richard en affichant un air désinvolte. Bon, le
rat a pas l'air d'être ici. On va aller dans les deux chambres à côté.
     
    Les frères
sortirent de la pièce en refermant soigneusement la porte derrière eux et ils
entrèrent dans la chambre double occupée par leur grand-mère et leurs deux
soeurs.
     
    — Fouille la
chambre des filles pendant que je regarde ici, ordonna Gilles à son frère. On
se nuit en restant ensemble dans la même chambre.
     
    Richard se
dirigea vers la chambre voisine et remarqua immédiatement la porte ouverte du
placard.
     
    — Dis-moi pas
qu'on va être obligés de fouiller là-dedans, dit-il à Gilles. Les deux
sans-dessein ont laissé la porte de leur garde-robe ouverte. Il est peut-être
là-dedans, le maudit rat. On va avoir du fun encore si on doit tout vider ça
pour le trouver.
     
    380 UN SÉJOUR
HOULEUX
     
    — Ben non. Viens
voir, lui ordonna son frère qui avait disparu hors de sa vue.
     
    Richard retrouva
Gilles à plat ventre sur le côté gauche du Ut de sa grand-mère et il l'imita en
le repoussant un peu.
     
    — Qu'est-ce qu'il
y a?
     
    — Le rat est
entré par le trou que tu vois dans le bas du mur. Il a dû repartir par le même
chemin. Dis pas à m'man que la porte du garde-robe était ouverte. Elle va
vouloir qu'on le vide au complet pour être sûre que le rat est pas là. On va
tirer le lit et lui montrer le trou.
     
    Son frère
s'empressa d'aller fermer sans bruit la porte du placard et revint l'aider à écarter
le lit du mur contre lequel il était appuyé.
     
    — M'man, venez
voir, cria Gilles à sa mère demeurée dans la cuisine avec sa grand-mère et sa
soeur.
     
    Laurette entra
dans la chambre et ses fils lui montrèrent le trou dans la plinthe, derrière le
lit.
     
    — Il est reparti
par là, affirma Gilles avec aplomb.
     
    — Vous êtes sûrs
qu'il est parti?
     
    — Ben. On a
fouillé partout, m'man, intervint Richard.
     
    C'est la seule
place où il a pu se cacher. En plus, regardez, il est pas resté là, ajouta-t-il
en touillant dans le trou avec un bout effilé de sa planche.
     
    — Arrête de faire
ça, lui ordonna sa mère, pas très rassurée. À cette heure, bloquez ce trou-là
avec quelque chose en attendant que votre père arrive. Lui, il va le boucher en
revenant de son ouvrage.
     
    — On peut ben le
faire si vous voulez, proposa Gilles.
     
    — Non, laisse
faire. Ton père s'en occupera.
     
    Quand le père de
famille rentra de son travail à la Dominion Rubber, il dut clouer un bout de
planche sur le trou fait par les rats dans la vieille plinthe vermoulue de la
chambre occupée par sa mère.
     
    381 Évidemment,
Richard raconta à Denise toute l'histoire durant le repas en s'amusant à
amplifier la taille du rat. Il savait fort bien que sa soeur aînée craignait
autant les rats que sa mère. Il fallut que son père lui ordonne de se taire et
de manger pour le faire cesser. Vers la fin du repas, l'espiègle allongea
hypocritement la jambe sous la table pour frôler du bout de son pied la jambe
de sa soeur qui sursauta si violemment qu'elle faillit basculer vers l'arrière
avec sa chaise. Elle se leva précipitamment.
     
    — Bonyeu, Denise!
Veux-tu ben me dire ce qui te prend? s'exclama sa mère.
     
    — Il y a quelque
chose qui vient de me frôler la jambe, expliqua la jeune fille, blanche comme
un linge. Je pensais que c'était le rat.
     
    — Veux-tu ben te
calmer! Il est parti ce rat-là.
     
    — Je vous dis
qu'il y a quelque chose qui m'a frôlé la jambe, insista Denise.
     
    Laurette jeta un
regard soupçonneux à ses deux fils assis en face de Denise, mais elle ne dit
rien.
     
    — Es-tu sûr qu'il
reviendra pas? demanda Lucille à son fils, avant de se mettre au lit ce
soir-là.
     
    — Ben oui, m'man.
Il y a pas de danger qu'il revienne.
     
    Le trou est ben
bouché.
     
    — Je sais
vraiment pas, mon garçon, comment tu fais pour vivre dans une maison pareille.
Je pense que le rat que j'ai vu cet après-midi était presque aussi gros qu'un
chat.
     
    — Exagérez pas,
m'man. Si je me fie au trou que j'ai bouché avant le souper, il était pas mal
moins gros que ça.
     
    Les femmes de la
maison allèrent se coucher guère rassurées. Il était bien évident qu'elles
éprouvaient une appréhension très vive de se retrouver nez à nez avec un rat.
     
    382 UN SÉJOUR
HOULEUX La nuit se passa sans incident et tous se