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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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oui, madame
Morin. Si je reste poignée dans la maison une journée de plus, je sens que je
vais virer folle! La servante en a assez de servir tout le monde. Elle a besoin
de souffler un peu. En plus, j'abandonne pas pantoute ma famille, comme vous
dites. Il y a en masse de quoi manger dans le frigidaire. Carole est capable de
vous donner un coup de main pour préparer à dîner à Gérard et à Richard. Les
autres vont tous être partis travailler.
     
    — Si vous
distraire est plus important que votre devoir de mère... fit Lucille Morin en
prenant un petit air pincé.
     
    — En plein ça,
belle-mère, répliqua sèchement Laurette.
     
    Durant cette
passe d'arme, personne n'osa intervenir.
     
    Le déjeuner fut
expédié dans un silence gênant. Jean- Louis, Denise et Gilles quittèrent tour à
tour le toit familial et Carole aida sa mère à ranger la maison. Vers dix
heures, au moment où Zézette s'écriait à la radio: «C'est de l'an qui
commence», Laurette apparut dans la cuisine, un peu boudinée dans son manteau
noir et coiffée de son chapeau de la même couleur.
     
    — Vous avez tout
ce qu'il vous faut dans le frigidaire, dit-elle aux siens. Je vais revenir vers
quatre heures.
     
    Essayez de pas me
mettre la maison à l'envers pendant que je vais être partie.
     
    A sa sortie de la
maison, elle eut l'agréable surprise de constater qu'elle allait profiter de
l'un des rares redoux de cet hiver 1953. En cette dernière journée de janvier,
le mercure descendait à peine au-dessous du point de congélation, ce qui
donnait l'étrange impression de vivre une journée printanière. Laurette
parcourut d'un pied léger la rue Fullum pour aller attendre le tramway sur
Sainte- Catherine.
     
    Ce samedi-là,
elle fit la tournée des grands magasins, ne s'arrêtant que pour dîner à son
restaurant habituel. A 389 la fin de l'après-midi, les pieds meurtris, elle
monta dans un tramway qui la ramena dans son quartier. Lorsqu'elle quitta la
rue Fullum pour parcourir les quelques centaines de mètres qui la séparaient de
son appartement de la rue Emmett, elle fit une courte prière pour que sa
belle-mère ait quitté son toit durant son absence.
     
    Malheureusement,
ses espoirs furent déçus. En ouvrant la porte, elle aperçut Lucille Morin
assise au bout de la table, dans la cuisine, en train de peler les pommes de
terre du souper en compagnie de Carole.
     
    — Viarge! elle
est encore là! murmura-1-elle en se penchant pour retirer ses bottes.
     
    Sans dire un mot,
elle retira ensuite son manteau et son chapeau et chaussa avec plaisir ses
vieilles pantoufles éculées avant de se diriger vers la cuisine.
     
    — Mon Dieu,
Laurette, dites-moi pas que vous avez passé autant d'heures dans les magasins
sans rien acheter! s'exclama sa belle-mère.
     
    — Il faut de
l'argent pour acheter quelque chose, madame Morin, répliqua vivement Laurette.
Moi, j'en n'ai pas. Où est passé votre garçon?
     
    — Il est allé
donner tin coup de main à une de vos voisines. Il paraît qu'elle avait un
problème de plomberie.
     
    Laurette fut
immédiatement en alerte.
     
    — Quelle voisine?
demanda-t-elle, s'adressant à sa fille plus qu'à sa belle-mère.
     
    — Madame Paquin,
m'man, répondit Carole.
     
     
     
    — Est-ce que ça
fait longtemps que ton père est parti?
     
    — Au moins une
heure.
     
    — Veux-tu ben me
dire ce qu'il a à traîner là, lui? Mets ton manteau et va dire à ton père que
le souper est presque prêt, ordonna-t-elle à sa fille.
     
    390 UN PEU PLUS
LONGTEMPS
     
    — Voyons, m'man.
Les patates sont même pas encore sur le poêle, protesta l'adolescente.
     
    — C'est vrai,
Laurette, on n'a pas encore fini de les éplucher, renchérit la vieille dame. En
plus, il est même pas quatre heures et demie.
     
    — Ça fait rien,
fais ce que je te dis, s'entêta Laurette sur un ton sans appel.
     
    Sa jalousie était
si évidente que Lucille Morin eut du mal à réprimer un sourire.
     
    — Vous avez
raison de vous méfier, dit-elle à sa bru sans avoir l'air d'y toucher. Cette
madame Paquin est une belle femme très soignée de sa personne. Carole m'a dit
qu'elle était veuve. Raison de plus de surveiller Gérard de près. Il est comme
tous les hommes. Il doit aimer les femmes qui présentent bien.
     
    — Je vois pas
pourquoi votre garçon irait courir ailleurs ce qu'il a à la maison, affirma
Laurette avec une assurance qu'elle était loin d'éprouver.
     
    — On le sait pas,
ma

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