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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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l'appartement de la rue Emmett et à
se promener en tramway.
     
    Vers neuf heures,
Laurette donna le signal du départ en prétextant que les enfants devaient aller
à l'école 420 ENTRE LA HONTE ET L'ENVIE le lendemain. En réalité, elle était
excédée de devoir écouter les Nadeau se vanter de ce qu'ils possédaient et s'enorgueillir
de fréquenter des gens à l'aise. À les entendre, tous leurs amis avaient un
chalet et même un bateau.
     
    — Vous devez vous
sentir pas mal pauvres à côté d'eux autres, finit-elle par faire remarquer à
ses hôtes.
     
    — Pourquoi tu dis
ça? lui demanda son beau-frère.
     
    — Ben. Vous avez
pas de chalet ni de bateau, vous autres.
     
    — Inquiète-toi
pas pour ça, la rassura Rosaire avec suffisance. Donne-moi encore un an ou deux
et on va en avoir, nous autres aussi.
     
    Sur ce, Rosaire
alla endosser son manteau et sortit faire démarrer sa voiture pour qu'elle soit
chaude et confortable lorsque ses invités y monteraient.
     
    Après avoir
remercié Colombe et embrassé la grand-mère, Laurette, Gérard et leurs enfants
s'engouffrèrent dans la Cadillac où Rosaire les attendait depuis un petit
moment.
     
    En ce dimanche
soir de février, il faisait un froid mordant.
     
    Les lampadaires
n'éclairaient que de rares passants se déplaçant d'un pas pressé, frileusement
engoncés dans d'épais manteaux. Sur la rue Sainte-Catherine, à l'est de
Frontenac, les rares commerces étaient tous fermés et les passagers de la
Cadillac ne virent qu'un ou deux tramways que contournaient précautionneusement
les voitures.
     
    Quelques minutes
plus tard, Rosaire Nadeau déposa les Morin devant leur porte, sur la rue
Emmett, en rappelant à Richard qu'il l'attendait à son garage de la rue
Beaubien le samedi suivant. Après avoir salué et remercié le conducteur, toute
la famille se précipita à l'intérieur de l'appartement, impatiente de retrouver
un peu de chaleur.
     
    421 A leur entrée
dans la maison, Denise était en train de préparer son repas du midi pour le
lendemain. Jean-Louis n'était pas encore rentré.
     
    —
Déshabillez-vous pas tout de suite, les garçons, ordonna Laurette en enlevant
son manteau. Allez sortir les vidanges avant de vous coucher.
     
    — On pourrait pas
attendre demain matin? demanda Gilles.
     
    — Non. Tout de
suite. Quand vous attendez le lundi matin, c'est le bout du monde pour vous les
faire sortir.
     
    Les deux
adolescents tentèrent d'ouvrir la porte de la cuisine, mais elle était encore
prise dans un carcan de glace. Il durent donc sortir de l'appartement par la
porte d'entrée et faire le tour par la rue Archambault pour aller chercher sur
le balcon arrière les deux lourdes poubelles métalliques qu'ils tirèrent
jusqu'au coin de la grande cour.
     
    A leur retour,
leur père leur demanda d'aller chercher un seau de charbon dans la cave.
     
    Depuis qu'il
avait remis les pieds chez lui, Richard demeurait étrangement silencieux, il
voyait l'appartement avec des yeux différents. Sa pauvreté lui sautait au
visage.
     
    Elle lui faisait
soudainement honte. S'il le comparait à celui où vivaient son oncle, sa tante
et sa grand-mère, tout lui paraissait vieux et miteux. Ce soir-là, il
s'endormit rapidement et rêva qu'il faisait fortune en vendant des voitures,
comme son oncle.
     
    Moins d'une heure
plus tard, tous les Morin étaient au lit. Gérard fut le dernier à pénétrer dans
sa chambre après avoir gorgé de charbon la fournaise du couloir.
     
    — Il y a juste
Jean-Louis qui est pas rentré, fit remarquer Laurette en s'agenouillant près du
lit pour la prière commune.
     
    — Il est même pas
encore onze heures, lui fit remarquer son mari.
     
    422 ENTRE LA
HONTE ET L'ENVIE
     
    — J'espère que
t'as pensé à vider les cendres de la fournaise, dit Laurette en changeant de
sujet de conversation.
     
    Il me semble que
la boîte était pas mal pleine quand j'ai regardé avant de partir cet
après-midi.
     
    — Inquiète-toi
donc pas pour rien. J'ai regardé. Il reste en masse de la place jusqu'à demain
matin. Ça fait vingt ans que je chauffe cette fournaise-là, je sais quoi faire,
fit remarquer Gérard en se signant après s'être agenouillé à son tour.
     
    Les deux époux se
mirent au lit et éteignirent la lumière. Pendant un moment, ils n'entendirent
que les pas des Gravel à l'étage au-dessus. Le chauffeur de taxi et sa femme
devaient se préparer, eux aussi, à se mettre au lit.
     
    — Avec la

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