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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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Richard se décida à demander:
     
    — T'as vu ma
blonde? Elle est pas pire, hein?
     
    — C'est ta
blonde?
     
    — Elle s'appelle
Monique. Elle est pas mal fine.
     
    — Tant mieux.
     
    — C'est tout
l'effet que ça te fait? demanda son jeune frère, un peu dépité par le manque
d'intérêt manifesté par Gilles.
     
    — Qu'est-ce que
tu veux que je te dise? Quand je t'ai vu la tenir par la main, j'ai pensé
qu'elle était infirme et qu'elle pouvait pas marcher toute seule, se
moqua-t-il.
     
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    — T'es ben drôle,
Gilles Morin. T'es juste jaloux.
     
    — C'est ça. Et toi,
t'es un maudit beau innocent de te promener en plein hiver sans ta tuque et tes
gants.
     
    Si jamais m'man
te poigne déshabillé comme ça, tu vas recevoir une bonne taloche par la tête.
     
    Richard sentit
tout à coup ses doigts gourds et ses oreilles gelées et il s'empressa de tirer
des poches de son manteau sa tuque et ses moufles en laine.
     
    — J'espère que tu
diras rien à m'man, dit l'adolescent, en ne précisant pas s'il parlait de
Monique ou du fait qu'il se baladait sans tuque et sans gants.
     
    — Me prends-tu
pour un stool se contenta de demander Gilles en tournant le coin de la rue
Emmett, son frère sur les talons.
     
    Quelques instants
plus tard, les deux adolescents rentraient dans la maison.
     
    Ce soir-là,
Denise finissait d'essuyer la vaisselle du souper avec l'aide de sa soeur quand
elle suggéra, sans s'adresser à personne en particulier:
     
    — On devrait
décorer un peu la maison pour Noël.
     
    Sa mère ne dit
rien. Elle se contenta de plonger de nouvelles assiettes sales dans l'eau
savonneuse.
     
    — On pourrait
acheter un sapin, reprit Denise. On en a décoré un au magasin cet après-midi.
Je vous dis que c'est pas mal beau quand toutes les lumières sont allumées.
     
    — C'est vrai que
ça fait longtemps qu'on n'en a pas eu, intervint Jean-Louis.
     
    — Un arbre de
Noël, ça salit partout, laissa tomber leur mère. À part ça, où est-ce qu'on
l'installerait? On n'a pas de place. On n'a même pas de salon. La seule place
qui reste, c'est la cuisine, et on l'aurait dans les jambes durant tout le
temps des fêtes.
     
    2IO UNE MAUVAISE
NOUVELLE
     
    — Vous pourriez
peut-être l'installer dans ma chambre, proposa son fils aîné en train de
tourner les pages d'un volume qu'il avait rapporté du travail. Ça me
dérangerait pas pantoute.
     
    — Ben sûr, se
moqua Richard qui entrait dans la pièce en portant son sac d'école. T'aurais
l'arbre de Noël pour toi tout seul et ça te coûterait pas une cenne. Et nous
autres, les niaiseux, on le verrait pas.
     
    — Toi, assis-toi
à table et fais tes devoirs, lui ordonna sa mère. Mêle-toi pas de la
conversation.
     
    Laurette n'avait
jamais eu ce qu'on appelait «l'esprit des fêtes». Pour elle, Noël, le jour de
l'An et la fête des Rois ne représentaient que des sources inutiles de dépense
et, surtout, un surplus de travail. Elle détestait avoir à cuisiner d'autres
plats que ceux qu'elle servait ordinairement aux siens. Confectionner des
tartes et des pâtés à la viande était un véritable supplice. Comme elle n'en
faisait qu'une fois par année, sa pâte était toujours dure et grise à force
d'avoir été trop pétrie.
     
    — Bonyeu! Moi, je
suis pas habituée à faire de la cuisine fancy comme ça, disait-elle. Ma mère
m'a juste montré à faire l'ordinaire, pas de la pâtisserie.
     
    Sous ses airs
bougons, elle cachait pourtant assez mal son dépit de ne pouvoir cuisiner aussi
bien que les femmes de ses frères ou sa belle-mère.
     
    En somme, elle
trouvait qu'on faisait bien des embarras inutiles avec le temps des fêtes.
Durant sa jeunesse, c'était bien mieux. Dans la famille Brûlé, les célébrations
se limitaient à un souper du jour de l'An où on servait de la dinde. On donnait
un petit cadeau à chaque enfant pour souligner l'arrivée de la nouvelle année,
habituellement un vêtement, et tout était dit. Bien sûr, on assistait à la
messe de minuit, la veille de Noël, mais on ne «virait pas toute 21 1 la maison
à l'envers», comme disait Laurette, parce qu'il fallait absolument fêter.
     
    Tous ces
«flaflas» venaient de la famille de Gérard.
     
    Chez les Morin,
les fêtes de fin d'année prenaient une importance qu'elle avait toujours jugée
ridicule. Jusqu'à la mort de Conrad Morin, sa femme s'était fait un devoir
d'offrir un réveillon après la messe de minuit. De plus, elle avait

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