A l'écoute du temps
petit Paquin. Il aura peut-être la chance d'avoir
la job s'il se présente de bonne heure demain matin, à la shop.
Laurette dressa
immédiatement l'oreille. Elle n'allait tout de même pas laisser son mari aller
passer une heure ou deux avec la jolie veuve qui habitait au coin de la rue,
sous le prétexte d'offrir un emploi à son fils. On ne savait jamais à quel
sacrifice cette femme-là serait prête à consentir pour le remercier de s'être
occupé de son Léo.
— Es-tu obligé
d'aller la voir à soir? demanda-t-elle en s'efforçant de prendre un ton
indifférent.
214 UNE MAUVAISE
NOUVELLE
— Ben non.
Gilles, ajouta-t-il en se tournant vers l'adolescent qui venait d'entrer dans
la cuisine, mets ton manteau et va dire à madame Paquin que si son gars se
présente à la Dominion Rubber avant sept heures et demie, demain matin, il
aurait une chance d'avoir une job.
— À soir?
— Ben oui, à
soir, répéta son père. C'est pour rendre service aux Paquin.
— C'est correct.
Je vais y aller tout de suite.
Gilles endossa
son manteau, chaussa ses bottes et sortit.
Au même moment,
le téléphone mural sonna.
— Réponds donc au
téléphone, Denise, commanda la mère à sa fille aînée, qui était debout, près de
l'appareil.
La jeune fille
obtempéra.
— Bonsoir, ma
tante. Vous allez bien?... Oui, c'est Denise. A qui voulez-vous parler?... OK.
Je vous le passe.
P'pa, c'est pour
vous, dit Denise en posant la main sur l'écouteur. C'est ma tante Colombe.
Gérard se leva et
prit l'écouteur que lui tendait sa fille.
Curieuse,
Laurette s'était légèrement approchée de son mari pour tenter de saisir la
raison de l'appel de sa belle-soeur.
Cette dernière ne
téléphonait que très rarement chez les Morin.
— Ça nous
adonnerait mieux dimanche après-midi.
On a prévu
d'aller chez un des frères de Laurette demain soir, mentit Gérard.... C'est ça.
On va vous attendre, dit-il avant de raccrocher.
— Qu'est-ce que
la Pincée voulait? lui demanda sa femme, agressive.
— Elle voulait
juste venir faire un tour avec Rosaire, samedi soir.
— Puis?
— Je lui ai dit
de venir plutôt dimanche après-midi. J'ai pas envie de manquer ma partie de
hockey.
2I5
— Verrat!
Qu'est-ce qui lui prend, à ta soeur? On n'a pas entendu parler d'elle depuis la
fin du mois de mai quand elle est venue faire un tour avec ta mère.
— Je le sais pas.
Elle l'a pas dit.
— On aurait pu
être morts, et elle l'aurait jamais su.
— Exagère donc!
fît son mari en retournant s'asseoir dans sa chaise berçante.
— Elle va venir
avec ta mère, je suppose?
— Je le sais pas.
Elle l'a pas dit non plus.
— En tout cas,
j'espère qu'elle s'attend pas à ce que je la garde à souper, laissa tomber
Laurette, vindicative. Je pense que ça fait au moins cinq ans qu'on n'a pas mis
les pieds chez eux. Je suis même pas sûre de savoir exactement son adresse sur
le boulevard Saint-Joseph. C'est vrai que c'est presque la campagne,
ajouta-t-elle en exagérant.
— Peut-être qu'elle
vient juste de se souvenir que ma fête était au mois d'août et qu'elle a décidé
de m'apporter mon cadeau de fête, intervint Richard en commençant à ranger ses
effets scolaires dans son sac.
— Pauvre petit
gars! fit semblant de s'apitoyer sa mère. Avant que ta tante, la riche, pense à
te donner un cadeau, les poules vont avoir des dents.
— Simonac,
Laurette! Est-ce que t'achèves de manger la laine sur le dos de Colombe? Elle a
oublié de faire un cadeau à Richard, c'est pas plus grave que ça. Quand tes
frères oublient la fête de Gilles ou de Carole, on n'en fait pas un drame!
— C'est pas
arrivé ben souvent qu'Armand ou Bernard oublie les enfants. Pour ta soeur, tu
sais aussi ben que moi qu'elle a jamais donné une cenne noire à son filleul
pour ses étrennes, aussi ben à sa fête qu'au jour de l'An. Si tu veux savoir ce
que je pense, Gérard Morin, ta soeur est une maudite gratteuse, et son mari est
pas mieux qu'elle.
216 UNE MAUVAISE
NOUVELLE Il était bien évident qu'il n'existait aucun atome crochu entre
Laurette et l'unique soeur de son mari. Il fallait reconnaître que tout
séparait les deux femmes. Colombe Morin avait trop de traits communs avec sa
mère pour espérer trouver grâce aux yeux de sa belle-soeur. Un peu maniérée et
fort soucieuse de son apparence, la
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