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A l'ombre de ma vie

A l'ombre de ma vie

Titel: A l'ombre de ma vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Florence Cassez
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mal au dos,
de plus en plus mal. Je suis tendue, comme bloquée, c’est sûrement la peur. Je
m’allonge mais je ne m’endors pas, évidemment. J’écoute les deux types devant
qui discutent comme si je n’étais pas là. Ils parlent de leur boulot, de leurs
problèmes. Il y a des vols dans leurs vestiaires, je crois, et aussi ils
regrettent qu’il n’y ait pas de douche. Ça n’a rien à voir, je n’ai peut-être
pas bien compris.
    Même avec cette couverture qu’ils m’ont donnée, je suis
gelée. Les heures passent et je grelotte toute seule. Ils vont bien venir, à un
moment ou un autre, me dire qu’ils se sont trompés, qu’ils ont vérifié et que
ce n’était pas nous, pas moi. Ils vont demander pardon, peut-être pas après
tout, mais je m’en moque, du moment qu’ils me laissent partir. Je suis si
fatiguée. J’ai si mal.
    Ils bougent. Ils viennent de recevoir un appel, à la radio.
C’est la première fois et ça les met en colère :
    — Fils de pute ! Enfoiré !
    Je ne sais pas à qui ils parlent, mais d’un seul coup tout
change. Ils sont énervés, ils démarrent en trombe et ça recommence, cette fois
avec la sirène, les virages. Je suis ballottée, j’essaie de me cramponner, mais
c’est dur. Un des hommes est venu me rejoindre à l’arrière, il me maintient par
les épaules et me crie de la fermer. Je ne sais même pas si j’ai parlé.
Pourtant, j’aimerais savoir où on va, cette fois. Il me passe par la tête qu’on
rentre peut-être au ranch, qu’ils vont me libérer, mais j’ai aussi l’impression
que l’ambiance a changé. Il me répète de la fermer.
    On s’arrête, enfin. Il y a du bruit, des cris, on ouvre la
porte de la camionnette et je dois descendre. On est au ranch. Mais quel
monde ! Des camionnettes noires de l’AFI partout, des hommes en armes,
cagoulés, qui me regardent. Et Israël ! Dans un état pitoyable. Il tient à
peine debout, il vomit, je crois, tellement on l’a battu, et on continue à le
battre. Des types en uniforme de l’AFI lui tapent dans le ventre, il ne me voit
pas, il ne voit plus rien.
    Un instant, j’aperçois les étoiles. Le ciel est noir, j’ai
terriblement froid, je grelotte et encore une fois je ne sais pas si c’est à
cause du froid ou de la peur, parce que je me dis que tout peut m’arriver. Ces
types ont ma vie entre leurs mains, que vont-ils en faire ?
    On me ramène à la camionnette. Le costaud qui tapait Israël
vient me rejoindre, il me regarde droit dans les yeux, avec un air que je
n’arrive pas à définir, et il me demande :
    — Et maintenant ?
    Je ne sais pas ce qu’il veut dire, je ne sais pas quoi
répondre, alors il réitère sa question :
    — Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on fait ?
    Je finis par lui dire que je ne comprends pas, par lui dire
n’importe quoi, et c’est terrible parce que c’est peut-être ma chance qui vient
de passer. C’est comme ça, au Mexique. « Et maintenant ? »,
c’est ce que disent les flics quand ils proposent un arrangement. Pour un feu
rouge grillé ou pour n’importe quel délit, chaque fois que c’est possible. Mais
moi, je ne le sais pas. Et même si je le savais, qu’est-ce que j’aurais bien pu
lui répondre, à ce gros Mexicain ? Je suis innocente, je n’ai pas besoin
d’un arrangement, ils vont bien finir par s’en rendre compte. Je suis
innocente. Je me raccroche à ça parce que tout le reste m’échappe. On me pousse
vers la petite cabane à l’entrée du ranch, où j’étais allée une fois, avec
Israël. Je me souviens qu’elle était pleine d’outils, mais maintenant elle est
débarrassée ; on a mis un faux mur en bois, quelques meubles n’importe
comment et c’est là qu’on m’amène, suivie d’Israël, qui n’a toujours rien dit,
qui ne tient plus debout.
    Je ne m’étais pas trompée, leur comportement à mon égard a
changé. Plus personne ne me dit de ne pas m’en faire, que je ne suis que
témoin ; on me traite comme Israël, je prends des coups au passage dans
l’affolement de toute cette mise en scène trépidante qui dure une éternité,
comme s’ils voulaient construire une atmosphère, changeant les meubles de
place, parce que c’est mieux comme ça, et puis non, plutôt comme ça, dans les
cris des ordres et des contre-ordres. Pendant quelques instants, mon regard
croise celui d’un barbu que je ne connais pas et qui me regarde fixement
pendant que je prends encore des coups. Je le vois avec

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