À l'ombre des conspirateurs
m’intercepter à Capoue, devait être constituée de forgerons et autres artisans travaillant dans le domaine.
— Il devra répondre des charges qui pèsent sur lui, menaçai-je.
— Peut-être, rétorqua dédaigneusement le consul.
Son air hautain ajoutait à ma frustration. Nous discutions de trahison et de meurtre, sans qu’il paraisse mesurer la gravité de la situation.
Je devinai que j’étais congédié.
Helena se trouvait sur son balcon. Je grimpai les marches quatre à quatre, le visage éclairé d’un sourire radieux. Elle était à moitié étendue sur une chaise longue et buvait un gobelet d’eau sans grande conviction.
— Pas très en forme ?
— J’ai du mal à me réveiller.
Son expression langoureuse provoqua des picotements au fond de ma gorge.
— À partir de maintenant, le cas Pertinax dépend d’un échange de missives. Il ne faut pas s’attendre à une hâte indue de la part des secrétaires du palais. (Le regard scrutateur d’Helena se fixa sur moi. Je lui demandai, en murmurant presque :) Tu connaissais la vérité depuis combien de temps ?
— Depuis la nuit du banquet à la Villa Poppée.
— Tu ne m’as rien dit !
— Es-tu jaloux de Pertinax ?
— Non, bien sûr que non…
— Marcus ! se moqua-t-elle gentiment.
— Enfin, qu’est-ce que tu crois ? Hier soir, j’ai cru qu’il était venu dans ta chambre pour la même raison que moi.
— Oh ! permets-moi d’en douter !
Elle accompagna ces paroles d’un petit rire de dérision. Un esclave d’Æmilius Rufus se présenta alors, me demandant de venir à Herculanum. C’était probablement au sujet de Crispus, seulement je ne m’intéressais plus beaucoup à lui. À tort : Vespasien avait promis de me payer cette enquête correctement, et j’avais plus que jamais besoin d’argent.
Me voyant hésiter, Helena Justina insista :
— Il faut que tu y ailles. C’est peut-être important.
— J’irai, si tu restes avec Petro et Silvia jusqu’à mon retour.
— Je n’ai rien à redouter de Gnæus.
— Comment peux-tu en être aussi sûre ? grondai-je, furieux comme à chaque fois qu’elle l’appelait par son petit nom.
— Il a besoin de moi.
— J’espère bien que non ! Et pour quoi faire ?
Me voyant dans un tel état d’agitation, elle finit par avouer :
— Je sais que ça va te contrarier : le consul l’a convaincu qu’il devait m’épouser de nouveau. (Effectivement, j’étais très contrarié.) Caprenius Marcellus a deux obsessions : assurer une carrière publique à Gnæus, et obtenir un héritier. Un petit-fils assurerait sa succession…
— Je ne veux pas entendre un mot de plus là-dessus. Comment peux-tu seulement mentionner un projet aussi choquant ?
— Oh ! une fille a besoin de la protection d’un mari ! ironisa-t-elle.
C’était profondément humiliant. D’un haussement d’épaules, j’admis mon manque de position sociale, de relations, d’argent. Puis une rage incontrôlable s’empara de moi.
— Cette fois, tu sauras à quoi t’attendre de sa part : indifférence, dédain, et probablement pire, désormais. S’il ne t’a encore jamais battue, ne t’inquiète pas, ça va venir !
— En tant qu’homme, ce sont des choses qui te sont familières, bien sûr ! rétorqua-t-elle sèchement.
— À toi de décider ce que tu veux faire, ma chérie ! dis-je en commençant à m’éloigner. Si tu recherches la respectabilité, et qu’il s’agit du seul moyen, retourne vers lui ! (Je baissai la voix pour lui parler posément, parce que je voulais qu’elle se souvienne de mes paroles.) Mais si un jour tu ne peux plus le supporter, je viendrai te chercher. (Je repartis le long du balcon en m’écriant :) C’est ce qu’on appelle la loyauté.
— Marcus ! plaida-t-elle.
Je continuai sans me retourner.
En quittant la Villa Marcella, j’aperçus Pertinax qui faisait évoluer ses chevaux dans le manège. J’avais beau me trouver à une assez grande distance, je constatai qu’il s’absorbait entièrement dans son travail. Il avait sorti le couple si mal assorti, l’un restant attaché à l’ombre, tandis qu’il faisait galoper l’autre. Il faisait travailler ses chevaux comme un vrai professionnel, et c’était très agréable à regarder.
Petit Chéri reniflait l’herbe, afin de sélectionner des plantes qui lui donneraient mal au ventre. Pertinax montait Ferox, le futur champion. S’il avait été seul,
Weitere Kostenlose Bücher