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À l'ombre des conspirateurs

À l'ombre des conspirateurs

Titel: À l'ombre des conspirateurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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avancions dans la même direction. Mais le matin, levé avant lui, je partais sur les routes avant qu’il ne fasse son apparition. Le soir, je me trouvais déjà dans mon lit quand il arrivait à l’auberge. Si j’avais su qu’il allait se trouver à Cosenza en même temps que moi, j’aurais fait l’effort de l’attendre pour lui présenter mes civilités.
    Je déteste le Sud. Ses villes anachroniques, avec leurs temples massifs élevés à Zeus ou à Poséidon ; ses écoles de philosophie qui vous donnent un complexe d’infériorité ; ses athlètes aux visages sombres, posant pour des sculpteurs à l’air rêveur. Pour ne pas parler des prix exorbitants demandés aux étrangers, ni des routes défoncées.
    À en croire l’ Énéide de Virgile, Rome a été fondée par un Troyen. Tout au long de ce voyage dans le Sud, mes poils se hérissaient à la pensée que ces colonialistes de Grecs me considéraient comme leur ancien ennemi, coiffé d’un bonnet phrygien. D’ailleurs, tous ces gens ne paraissaient rien avoir de mieux à faire que de rester tapis sous leurs porches poussiéreux, en regardant passer les étrangers.
    Se rendre à Crotone exigeait des talents d’alpiniste. Plus le chemin grimpait, plus la température dégringolait. Les épaisses forêts de châtaigniers et de chênes dans la plaine cédèrent bientôt la place à des hêtres et à des sapins argentés. Çà et là, des aulnes et des trembles jaillissaient en bouquets de faille dans la roche. Les gens du coin qualifiaient ce sentier impraticable de « bonne route » ! Même en plein jour, il fallait prendre des précautions. Une fois, alors que j’avalais tranquillement mon déjeuner dans une petite clairière ensoleillée, tapissée de fraisiers sauvages, une vipère jaillit de sous ma botte pour aller se réfugier derrière une grosse pierre. Voyager dans cette région se révélait presque aussi dangereux que d’échanger des insultes avec les redoutables putains du cirque Maximus.
    Malgré la neige couronnant déjà les pics, les ouvriers des chantiers navals avaient commencé à venir abattre des arbres. La fumée de leurs feux imprégnait l’air, et mon nez s’était mis à couler. À un endroit, je dus quitter le chemin (les sabots de ma mule écrasant de pauvres violettes) pour dépasser plusieurs attelages de bœufs. Les malheureuses bêtes peinaient à traîner de grands chariots chargés d’énormes troncs.
    À Rome, c’était presque l’été. Ici, à plus de mille pieds au-dessus du niveau de la mer, il y avait une sacrée différence de climat. La fonte des neiges rendait tout humide. Des torrents furieux se précipitaient au fond des vallées, et je ne trouvais que de l’eau glacée pour étancher ma soif.
    Je parcourus ce paysage accidenté pendant deux ou trois jours. À un détour du sentier, je fus gratifié d’une vue magnifique sur la mer Ionienne. Un peu plus bas, j’atteignis des oliveraies et des vignobles, et pourtant le sol portait de nombreuses traces d’érosion qui lui procuraient un caractère sauvage. Je fus soulagé d’atteindre enfin Crotone, cette localité qui a poussé comme un oignon douloureux sur le gros orteil de l’Italie.
    Crotone avait constitué le dernier refuge d’Hannibal dans le pays. Si un païen comme Hannibal passe de nouveau en ce lieu, nul doute que Crotone lui offrira un décapage gratuit dans les thermes de la cité. Avant son départ en exil, elle l’honorera d’un grand banquet aux frais de la cité. Pour moi, aucun accueil chaleureux n’était prévu.
    En pénétrant dans la cité sur le dos de ma mule, je sentais une rigole de sueur couler entre mes deux épaules. Le patron du mansio officiel était une espèce d’arriéré plutôt maigre, ses yeux se résumant à deux fentes étroites. Il commença par s’imaginer que le responsable du Trésor m’avait chargé de venir vérifier ses comptes. Adoptant mon air le plus hautain, je lui déclarai d’un ton sec que je n’étais pas encore tombé aussi bas. Il continua de m’examiner sous tous les angles, avant de condescendre à m’accepter comme client.
    — Tu restes longtemps ? demanda-t-il avec l’air de celui qui espère une réponse négative.
    — Je ne pense pas, répondis-je. (En langage romain, cela signifiait : « J’espère bien que non ! ») Je suis à la recherche d’un prêtre : Curtius Gordianus. Tu le connais ?
    — Non.
    Dans la Magna Gr æ cia, mentir aux officiels

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