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À l'ombre des conspirateurs

À l'ombre des conspirateurs

Titel: À l'ombre des conspirateurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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dans votre lit. Et si l’eau abîme les meubles d’un commissaire-priseur, il n’a pas grand mal à en trouver d’autres pour les remplacer.
    Il rentrait chez lui dans le même équipage que d’habitude : deux gardes du corps, une litière princière qui se balançait entre les mains de six hommes particulièrement costauds, le tout environné d’une troupe bigarrée de porteurs de torches. Il accepta de bonne grâce de me prendre à bord. Pendant le trajet, il sifflota entre ses dents (une habitude détestable dont il n’arrivait pas à se débarrasser) et je ne prononçai pas plus de deux ou trois paroles. En me laissant devant le passage poussiéreux conduisant chez moi, il me jeta un regard sombre.
    — Tu veux me parler de quelque chose, Marcus ?
    — Non.
    — Il faut que tu te trouves…
    — Ne te mêle surtout pas de me dire ce que je veux ou ne veux pas ! C’est à moi d’en décider.
    — Tu veux de l’argent ? demanda Geminus en se penchant à l’extérieur de sa litière.
    — Non.
    — Tu refuses parce que c’est moi qui te l’offre ?
    — Je n’ai besoin de l’argent de personne, insistai-je d’un air buté.
    — Je n’arriverai jamais à te comprendre, grommela-t-il, en faisant signe à ses porteurs de repartir.
    — Tans pis ! D’ailleurs, personne ne te demande de me comprendre, ajoutai-je, bêtement planté au milieu de la rue jusqu’à la disparition de la litière.
     
    En arrivant devant mon immeuble, j’entendis le sinistre caquetage de Smaractus, mon propriétaire. Lenia devait l’abreuver de vin âpre et de grivoiseries pour parvenir à ses fins. Épuisé, l’escalier me paraissait un obstacle si infranchissable que j’envisageai un instant de m’endormir sur un tas de toges sales, dans la blanchisserie. L’écho de la voix abhorrée de Smaractus me fit l’effet d’un coup de fouet, et je commençai machinalement à escalader les marches du premier étage. J’entendis alors un volet s’ouvrir en dessous de moi.
    — Falco ?
    N’ayant pas la force de soutenir une discussion violente au sujet d’un arriéré de loyer, je grimpai les étages quatre à quatre. Au sixième palier, j’étais presque calmé.
    Au moment où j’ouvris ma porte, des frôlements discrets m’apprirent que les indésirables avaient le bon goût de me céder la place. J’allumai une lampe et jetai un coup d’œil autour de moi. Deux ou trois cafards filèrent à toute vitesse. Mon décor familier reposait mes yeux fatigués, éblouis par la lumière se reflétant dans les marbres des riches. Assis sur l’unique banc, je restai un long moment à fixer les murs grisâtres de l’endroit que, faute de mieux, je me voyais obligé d’appeler : « chez moi ».
    Je ne résistai pas longtemps à l’envie de laisser échapper quelques jurons bien sentis. D’un air scandalisé, mon ami le gecko se mit à galoper au plafond en zigzaguant. Baissant les yeux, je remarquai un récipient de fer dans le coin cuisine. Il contenait la moitié du ragoût de veau d’hier. J’allai péniblement soulever le plat renversé qui me servait de couvercle : rien qu’à l’idée de goûter à ce mélange gluant, mon estomac se révulsait.
    J’aperçus alors un document laissé sur la table. La qualité du papyrus ne passait pas inaperçue, ni le sceau de Vespasien. Je décidai de l’ignorer, tout comme le ragoût.
    Repensant à ma conversation avec Geminus, j’étais obligé de conclure que je n’avais de place que pour un modèle réduit de statue en terre cuite – du type que certains citoyens mettent dans leur mausolée. Impossible d’installer ici une fille grandeur nature qui aurait besoin d’espace pour ranger ses péplums, et d’un endroit où bouder en privé, quand elle jugerait que je l’avais offensée.
    Luttant contre ma fatigue, je sortis sur le balcon en titubant presque, afin d’arroser mes plantes. Même si le vent y soufflait parfois très fort, mes écheveaux de lierre poussiéreux et mes pots de scilles bleues se portaient mieux que moi. Quand je m’absentais, ma plus jeune sœur, Maia, venait gentiment s’en occuper, tout en prétendant que cette verdure ne me servait qu’à impressionner les femmes. Notre Maia avait beau être une fine mouche, dans le cas présent elle se trompait du tout au tout. Si une femme consentait à grimper mes six étages, c’est qu’elle avait déjà reçu un avant-goût de ce qui l’attendait là-haut. Bien avant d’avoir

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