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À l'ombre des conspirateurs

À l'ombre des conspirateurs

Titel: À l'ombre des conspirateurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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12 ans.
    — Exact ! (Il avait adopté jusque-là les manières affables d’un professionnel du temple, mais retrouvait sa voix acerbe de sénateur.) Tu m’as l’air d’un messager qui espère que son arrivée a été annoncée en rêve !
    — Tu as plutôt été prévenu de mon arrivée par un babillard grimpé sur son âne. Je l’ai croisé en arrivant ici. J’espère que tu l’as remercié avec un denier… Et aussi qu’il était faux !
    — Tu estimes donc valoir un denier ?
    — Pas moi, admis-je, mais l’éminent personnage qui m’envoie en vaut une grande quantité.
    Gordianus se tourna vers moi et m’examina attentivement.
    — De qui veux-tu parler ? Et toi, qui es-tu ? Un prêtre ?
    Il se montrait direct. Quelques sénateurs le sont, d’autres plus timides, et certains grossiers de naissance. Ceux d’entre eux qui se défient de la politique manifestent toujours leur intolérance.
    — Disons que j’officie à l’autel de la patrie, déclarai-je un peu pompeusement.
    — Tu n’es pas prêtre !
    — Chacun est prêtre dans sa maison, entonnai-je pieusement. Parlons plutôt de toi. S’exiler ainsi ne convient pas à quelqu’un de ton rang ! (Les grandes pierres plates chauffées par le soleil commençaient à me brûler les fesses.) Ici, les fonctions de grand prêtre constituent une agréable et honorable sinécure, mais ce n’est pas ce qu’on attend d’un sénateur qui possède un million à la banque. Tu devrais laisser d’autres que toi écorcher ces pauvres chèvres, même si tu as hérité du culte d’Héra avec les oliviers de ta famille. Entre nous, ça coûte combien ce genre de petit boulot peinard ?
    — Beaucoup trop ! s’exclama-t-il, sur le point d’exploser de colère. Je t’écoute ! Qu’as-tu à me dire ? parvint-il à demander sans hurler trop fort.
    — Quand une guerre civile vient tout juste de prendre fin, la place d’un sénateur se trouve à Rome !
    — Qui t’envoie ici ? demanda-t-il sèchement.
    — Vespasien Auguste.
    — Il s’agit de son message ?
    — Non, c’était mon opinion personnelle.
    — Je te conseille de la garder pour toi ! (Il se mit debout, prenant soin de ne pas marcher sur l’ourlet de sa robe.) À moins d’une intervention divine, je ne vois pas ce qui pourrait empêcher cette chèvre de faire le tour du golfe de Tarente. Nous avons le temps de parler affaires.
    — Est-ce bien régulier d’interrompre une cérémonie sacrée ? demandai-je sur un ton sarcastique.
    — Tu n’as qu’à interroger la chèvre. C’est elle qui l’a fait, avec ton aide ! Ces pauvres gens devront tout recommencer demain avec un autre animal…
    — Oh ! non seulement ils vont avoir besoin d’une autre chèvre, Curtius Gordianus, mais aussi d’un autre prêtre.
    Beaucoup trop subtil pour lui. Son expression montrait clairement qu’il n’avait pas saisi mon allusion.

18
    Le grand prêtre de Colonna disposait d’une maison jouxtant le temple : toute simple, mais vaste et bénéficiant d’une vue incomparable. À l’extérieur, les murs de pierre et les balustrades de bois avaient quelque peu souffert des intempéries. Les fenêtres étaient étonnamment petites, et un porche profond abritait la porte d’entrée. Dedans, seul un candélabre doré attirait l’œil. À part cela, peu de meubles, et suffisamment légers pour être installés dehors par beau temps. Il y avait aussi des lanternes fermées pour protéger les flammes du vent.
    En entendant la porte claquer, plusieurs esclaves passèrent la tête, l’air éberlué. Ils n’attendaient pas Gordianus aussi tôt pour déjeuner. Difficile d’imaginer le soi-disant majordome Milo dans cet intérieur aéré, à l’atmosphère fraîche de lavande : de toute évidence, les femmes s’occupaient seules de l’intendance. On entendait des bruits de balais glissant sur les sols mouillés, et une odeur de foie en train de frire vint nous chatouiller les narines. Le pontife s’était sans doute généreusement octroyé quelques abats lors d’un précédent sacrifice : n’importe quel prêtre connaissant bien son affaire parvient à s’approprier les bons morceaux ; c’est d’ailleurs la meilleure raison que je connaisse pour accomplir son devoir civique dans la prêtrise.
    Gordianus me conduisit dans une pièce au sol jonché de coussins. Sur un bahut, des petits vases garnis de fleurs sauvages alternaient avec des coupes d’argent et des

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