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À l'ombre des conspirateurs

À l'ombre des conspirateurs

Titel: À l'ombre des conspirateurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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combattre mon scepticisme par une apparition. La déesse Héra devait être tout à fait consciente que son tempétueux frère Zeus, devenu son époux, partageait les défauts des détectives privés : trop de temps de libre, et trop de jolies femmes leur faisant des avances.
    Helena Justina me faisait régulièrement ce genre de remarque. Au bord de la mer, les vagues me caressant les pieds, mes pensées dérivaient souvent vers elle. Il me semblait connaître la vraie raison de l’attitude du jeune portier me refusant l’entrée de la maison du sénateur : en fille sensée et réfléchie, Helena avait décidé de me laisser tomber.
    Quand je sentais la fureur sur le point de m’étouffer, je retournais vers le temple. Le visage de la reine de l’Olympe y restait de marbre.
    Le dixième jour, alors que je me sentais la tête vide à force de jeûne et de solitude, l’un des assistants descendit sur la plage. Ce jeune coquin, du nom de Demosthènes, était l’enfant d’autel typique, très averti pour son âge. Il s’approcha suffisamment près de moi pour que je puisse constater qu’il avait oublié de se laver derrière les oreilles.
    — Didius Falco, railla-t-il, les gens trouvent bizarre de te voir toujours en compagnie de ta chèvre ! Ils commencent à jaser.
    — Ils ont tort. Elle a des mœurs irréprochables.
    Demosthènes me dévisagea de ses yeux insondables, qui éclairaient un beau visage dont il valait mieux se méfier. Il renifla, avant d’ajouter :
    — Curtius Gordianus est au temple, Falco. Il a dit que tu pouvais utiliser ses thermes privés. Tu veux que je vienne te frotter le dos ? suggéra-t-il avec un air effronté.
    Je lui expliquai que je ne pouvais pas accepter, parce que je n’avais aucune envie de me disputer avec ma chèvre. Puis je me rendis tout droit au temple. Après avoir attaché biquette au portique, j’allai retrouver Gordianus dans le sanctuaire.
    — Merci de m’avoir offert de prendre un bain ! m’écriai-je. J’admets volontiers avoir atteint le point où j’accepterais de servir d’esclave à un chamelier nabathéen borgne, en échange d’une heure passée à cuire à la vapeur ! Sénateur, nous devons parler de ton séjour ici…
    — Domitien Cæsar a autorisé ce voyage…
    — La question à se poser, sénateur, c’est si tu es en sécurité à Crotone. L’empereur va confirmer l’autorisation qui t’a été accordée. (Il ne cacha pas sa surprise.) La politique impériale est de soutenir les actes officiels de Domitien Cæsar, expliquai-je.
    — Et la politique impériale en ce qui concerne les actes non officiels ? demanda-t-il avec un rire amer.
    — Oh ! le mieux est de faire les gros yeux, puis de sourire et d’oublier !
    Nous sortîmes ensemble. Perclus de fatigue, après le deuil qui l’avait frappé, Gordianus se déplaçait lentement. Son corps donnait l’impression de s’affaisser comme une pâte dans laquelle on a oublié de mettre du levain. Il fixait la mer comme si les jeux de la lumière sur les vagues, et les mouvements parfois opposés des courants, lui paraissaient illustrer à merveille les philosophies du monde. Il ne se sentait même plus à même de les comprendre… et son dégoût n’en était que plus profond.
    — Ton métier n’est guère enviable, Falco !
    — Oh ! il offre tout de même quelques avantages : les voyages, l’exercice, de nouvelles rencontres dans tous les milieux…
    Je m’interrompis, car la chèvre avait entrepris de brouter la manche de ma tunique. Je la repoussai de l’autre main, et elle émit un bêlement de protestation. Gordianus en profita pour ajouter sur un ton encore plus méprisant :
    — Commettre des actes violents, apporter de mauvaises nouvelles ! (Je tournai les yeux vers lui, tout en flattant de la main les grandes oreilles blanches de la biquette. Ravie, elle s’agenouilla et se mit à dévorer le bout de ma ceinture qui pendouillait.) Falco, que sais-tu exactement au sujet de tout ce gâchis ?
    — Dans ce genre d’affaires, mieux vaut rester discret ! Même si feu l’empereur Vitellius n’a pas laissé trop de regrets derrière lui, de nombreuses personnes sont peu convaincues par la nouvelle dynastie impériale. Il paraît pourtant évident que les Flaviens n’ont pas l’intention de céder leur place, et comme tu es bien placé pour le savoir, le Sénat a entériné la situation. Vespasien a déjà accompli la moitié du parcours pour

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