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Abdallah le cruel

Abdallah le cruel

Titel: Abdallah le cruel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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juif me dira ce qu’elle vaut et je suivrai tes recommandations. Tu es
un drôle de prêtre, je puis te le dire. Nous ne sommes pas habitués à en voir
de pareils par ici. Le seul à avoir été jamais populaire à Oviedo était un
nommé Alfonso. Cela remonte à l’époque de mes parents qui en parlaient souvent.
Il a disparu un jour, sans qu’on sache pourquoi. D’aucuns prétendent qu’il est
mort en martyre en prêchant l’Évangile aux païens. J’aurais bien aimé le
connaître !
    Gundisalvus comprit qu’il s’était
montré imprudent. Il reprenait, sans s’en rendre compte, ses habitudes de
jeunesse quand il était un noble habitué à gaspiller son argent. La tête lui
tournait depuis qu’il avait quitté son modeste hameau pour accepter la mission
que lui avait confiée Omar Ibn Hafsun. Il se promit de surveiller plus
attentivement ses gestes et il s’enfuit à la hâte. Après s’être recueilli dans
une église, il retourna chez Ataulfus.
    Le portier le reconnut et le
conduisit jusqu’à une vaste pièce sommairement meublée et éclairée par des
torches de suif. On entendait des hommes discuter derrière une lourde tenture.
Un domestique s’approcha de Gundisalvus et lui dit :
    — Suis-moi. Mon maître et ses
frères t’attendent.
    L’émotion le saisit à la gorge quand
il aperçut Ataulfus, Sisebut et Félix. Cela faisait plus de quarante ans qu’il
ne les avait pas vus. Ils avaient fière allure. Richement vêtus et portant
chacun une barbe bien taillée, ils le saluèrent d’un signe de tête et
l’invitèrent à prendre place autour d’une table sur laquelle avaient été
disposés plusieurs plats. Ataulfus fut le premier à rompre le silence :
    — Pardonne-nous cet accueil peu
chaleureux. Tu comprendras bientôt pourquoi. Excuse aussi l’absence de
domestiques. Pour ce repas, nous devrons nous passer d’eux et de leurs
services. Nous craignons les oreilles indiscrètes et nous avons à débattre de
sujets graves. Nous savions que tu allais venir.
    — Pourquoi ?
    — Tu ne l’ignores pas. J’ai
reçu la visite d’une paysanne, une horrible créature, qui m’a abordé à la
sortie du palais. À ma grande surprise, elle savait très bien qui j’étais.
Quand elle a prononcé ton nom, je lui ai intimé l’ordre de se taire jusqu’à
notre arrivée ici. Je l’ai interrogée et elle est restée obstinément muette
jusqu’à ce que je lui fasse don d’une bourse remplie de pièces d’argent. Il
était inutile de lui infliger le fouet ou la torture, elle n’aurait pas
desserré les dents. Elle m’a raconté ton histoire, ce qui te dispensera d’avoir
à le faire, et m’a remis une lettre de ce mécréant d’Omar Ibn Hafsun. Depuis,
pour plus de sûreté, elle croupit dans un cachot et je doute fort qu’elle en sorte
un jour.
    — Tu oublies, Ataulfus, une
chose importante, le coupa sèchement Félix. Je vais être franc avec toi,
Gundisalvus. N’imagine pas récupérer ta part d’héritage. Nous t’avons cru mort,
nos parents t’ont pleuré, et, à leur décès, nous avons procédé au partage de
leurs biens. Nos propres familles ignorent jusqu’à ton existence et nous
n’avons aucune intention de la leur révéler. Tu as perdu tout droit sur tes
avoirs et tu ne peux prétendre à rien.
    — N’ayez aucune crainte. J’ai
renoncé aux biens de ce monde et, sitôt ma mission accomplie, je désire me
retirer dans un monastère jusqu’à la fin, que j’espère prochaine, de mes jours.
    — Fort bien, jubila Félix. Ne
te méprends pas sur notre attitude. Nous sommes heureux de te savoir en vie
même si nous ne comprenons pas pourquoi tu as refusé par deux fois de devenir
évêque. Sache aussi que nous ferons en sorte que tu ne manques de rien. Une
pension décente te sera versée chaque mois.
    Sisebut décida enfin de se mêler à
la conversation :
    — À vrai dire, Ataulfus est le
seul à s’être félicité de ta réapparition. Il a conservé un souvenir émerveillé
de votre partie de chasse et c’est lui qui nous a persuadés de te recevoir.
    Gundisalvus jugea préférable de
passer à l’objet de sa mission.
    — Je suis venu ici à la demande
d’Omar Ibn Hafsun pour vous remettre ce message, dit-il.
    Les trois hommes lurent et relurent
attentivement la lettre du chef Musulman et s’éloignèrent pour se concerter
longuement. Quand ils reprirent place autour de la table, ils avaient l’air
soucieux :
    — Décidément, tonna

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