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Abdallah le cruel

Abdallah le cruel

Titel: Abdallah le cruel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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identité. Il t’a élu
pour me l’infliger. Toi qui penses être le maître de tes domaines, tu n’es que
le modeste instrument de la providence divine et c’est la raison pour laquelle
je ferai ce que tu me demandes. Ce n’est pas à Omar Ibn Hafsun, mais à Dieu que
j’obéis en agissant ainsi.
    Le chef muwallad soupira de
soulagement. Il n’avait pas eu besoin de menacer son interlocuteur. Au fond de
lui-même, il redoutait d’avoir à le faire. S’il avait voulu, il aurait pu le
mettre en garde contre les conséquences d’un éventuel refus. Il n’avait qu’un
mot à dire et ses guerriers seraient partis attaquer les villages chrétiens
voisins, en particulier le hameau d’Alfonso ; le prêtre, qui avait à cœur
le bien-être de ses fidèles, aurait cédé et serait parti pour Oviedo. Mais rien
ne garantissait alors qu’il remplirait sa mission. Celle-ci n’avait de chance
de réussir que s’il adhérait au projet concocté par Omar Ibn Hafsun. Le vieil
homme était assez intelligent pour réaliser que son propre destin le dépassait.
Il était touchant à la fois de lucidité et de candeur, à moins qu’il ne soit
assez retors pour dissimuler son jeu. On pouvait s’attendre à tout d’un tel
personnage encore que sa retraite forcée dans un village montagneux laissât
supposer qu’il n’avait guère le goût de l’intrigue.
     
    Gundisalvus attendit le retour de la
belle saison pour se mettre en route. Omar Ibn Hafsun lui fournit une escorte
jusqu’à la limite de ses domaines. Là, l’attendait Fredenandus, un agent du
chef muwallad chargé de veiller sur sa sécurité jusqu’à Oviedo. C’était un
Chrétien et le prêtre, après avoir longuement hésité, lui demanda pourquoi il
s’était mis secrètement au service d’un seigneur Musulman.
    — Il me paie et cela me suffit,
répondit-il. Mes parents étaient de modestes paysans et, à leur mort, mes
frères aînés m’ont chassé de la maison avec mes sœurs cadettes. Je ne leur en
veux pas. C’étaient autant de bouches en moins à nourrir. Nous sommes partis
pour Oviedo où les malheureuses ont trouvé des maris pour subvenir à leur
existence. J’ai vainement cherché à m’employer auprès d’un artisan ou d’un
négociant comme apprenti ou domestique. Nul n’a voulu de moi et j’ai dû mendier
mon pain à la sortie des églises. Je puis t’assurer que ceux qu’on nomme
« Chrétiens » ne sont guère généreux envers leurs prochains. Rares
sont ceux qui font l’aumône de bon cœur. Le plus souvent, seules les petites
gens, lors des grandes fêtes, me donnaient une piécette ou deux. Les riches,
eux, feignaient de ne pas me voir comme s’ils étaient frappés de cécité.
    — Ils auront des comptes à
rendre à Dieu.
    — J’oubliais que tu es prêtre.
Cela ne me console pas. Je ne serai pas là pour récolter le fruit de leurs
remords. J’ai mené une existence misérable jusqu’à ce qu’un curieux personnage
m’aborde. Il avait remarqué l’ascendant que j’exerçais sur les autres
mendiants. En fait, je veillais à ce que ceux-ci ne me gênent pas et je rossais
ceux qui tentaient de prendre ma place. Cet homme m’a proposé de me verser une
somme en échange de menus services, lui rapporter par exemple les conversations
entre les fidèles ou grappiller des informations sur les principaux événements
agitant notre cité. Voyant qu’il omettait de se signer en passant devant les
églises, j’ai compris qu’il était Musulman. Il ne pouvait être juif, je connais
tous ceux d’entre eux qui habitent à Oviedo.
    — N’as-tu pas craint,
Fredenandus, de mettre en danger la vie de tes frères chrétiens ?
    — Se sont-ils préoccupés de la
mienne ? Je me moque bien de savoir qui me paie pourvu que j’aie de quoi
nourrir ma famille. J’ai trois enfants, leur mère est morte en donnant
naissance au dernier, et leurs tantes, chez qui ils sont placés, ne les gardent
pas pour l’amour de leurs beaux yeux. Elles me soulagent de quelques pièces au
passage.
    — Elles savent que tu n’es plus
mendiant.
    — Avec l’argent que me donne
Omar Ibn Hafsun, j’ai pu ouvrir une modeste auberge. C’est là que tu logeras.
Ne t’attends pas à retrouver le luxe de Bobastro. Outre les ivrognes de mon
quartier, mes clients sont surtout des pèlerins qui se rendent prier sur le
tombeau de l’apôtre Jacques à Compostelle. Ils dépensent le moins possible et
je les loge à plusieurs dans une

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