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Abdallah le cruel

Abdallah le cruel

Titel: Abdallah le cruel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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de
l’armée. Chaque nouvel émir place ses propres hommes à ces postes et tu aurais
hérité de l’un d’eux.
    — C’est précisément ce que je
ne veux pas. Il doit apprendre à régner et c’est une nouvelle leçon que je lui
donne. Fais en sorte qu’il en tire profit même si cela doit me nuire dans
l’avenir.
    — S’il est aussi intelligent
que tu le dis et s’il promet d’être l’excellent souverain que tu m’annonces, il
ne cherchera pas à te punir quand il me succédera. Pars sur-le-champ pour
Ishbiliyah et qu’Allah le Tout Puissant et le Miséricordieux veille sur toi.
    Le jeune prince héritier pleura et
tempêta quand il apprit le départ d’Abd al-Rahman Ibn Ibrahim Ibn Hadjdjadj.
Des mois durant, il fut maussade et boudeur et désespéra par son indiscipline
et son inattention les précepteurs attachés à sa personne choisis parmi les
meilleurs lettrés d’al-Andalous. Puis il changea du tout au tout et exigea de
vivre à la cour pour observer de plus près son grand-père. Quand il eut
quatorze ans, l’émir accéda à cette requête et l’associa étroitement à ses
activités, admirant le sérieux avec lequel l’adolescent s’acquittait des
missions diverses et variées qui lui étaient confiées. Il eut conscience
d’avoir un successeur digne de lui quand, en 297 [96] Ibrahim Ibn
Hadjdjadj mourut. Ses deux fils sollicitèrent leur investiture comme
gouverneurs d’Ishbiliyah et de Karmuna. L’émir interrogea du regard Abd
al-Rahman. Après un moment de réflexion, son petit-fils déclara
froidement :
    — Ils se sont partagé les
domaines de leur père, c’est leur droit. Ils sont, d’après mes informateurs,
assez puissants et populaires pour se passer de ton approbation, surtout en ce
moment. Samuel Ibn Hafsun se montre de plus en plus menaçant et les habitants
de Tulaitula ont fait, une fois de plus, sécession. Ils auraient pu suivre ces
exemples, ils ont préféré demander ton approbation. Ces loyaux sujets méritent
récompense. Pour ma part, j’aurais préféré ne pas avoir à accorder cette faveur
à Abd al-Rahman Ibn Ibrahim Ibn Hadjdjadj. Lorsqu’il m’a abandonné, j’ai juré
de lui faire payer cher ce geste et je n’aurais pas été mécontent de voir sa
tête clouée sur porte du Pont. En fait, je préfère qu’il sue sang et eau pour
me donner satisfaction car j’entends me montrer très exigeant envers lui à
condition, grand-père, que tu acceptes de me laisser suivre personnellement les
affaires d’Ishbiliyah et de Karmuna.
    En quelques mois, l’expression
« malheureux comme un wali d’Ishbiliyah » devint proverbiale à la
cour. De mémoire d’homme, jamais on n’avait vu un gouverneur à ce point harcelé
par le souverain ou ses représentants. À peine avait-il fini de rédiger un rapport,
de mater une révolte ou de surveiller la réfection des remparts et des routes
que de nouveaux ordres s’abattaient sur lui, encore plus difficiles à
satisfaire que les précédents. À l’opposé, le gouverneur de Karmuna, Ibrahim
Ibn Ibrahim Ibn Hadjdjadj, menait une existence oisive et s’étonnait de
l’attitude de son frère qui refusait de lui rendre visite sous prétexte qu’il
n’avait pas un moment de libre. Que cachait cette froideur ? Certes, ils
n’avaient pas été élevés ensemble puisque l’aîné avait passé de longues années
à Kurtuba comme otage. Son cadet l’avait redécouvert tardivement, huit ans
avant la mort de leur père. Était-ce une raison pour le bouder et oublier leurs
liens familiaux ? Lui, Ibrahim, était bien placé pour savoir qu’être wali
était une sinécure. Cela consistait à surveiller, de très loin, le labeur de
dizaines et de dizaines de fonctionnaires chichement rétribués pour s’occuper,
au jour le jour, de la bonne marche des affaires de l’État. Non, cette
indifférence ou plutôt cette sourde hostilité dissimulait mal les ambitions
nourries par son aîné, profiter de son amitié passée avec le prince héritier
pour accaparer toutes les faveurs et l’éliminer, lui, afin de cumuler les
fonctions de wali de Karmuna et d’Ishbiliyah. Quand Abdallah reçut une longue
lettre d’Ibrahim Ibn Ibrahim Ibn Hadjdjadj, se plaignant du comportement de son
frère et dénonçant ses probables intrigues, puisqu’il se déplaçait constamment
pour rencontrer ses complices, il soupira d’aise. Bon sang ne pouvait mentir.
Abd al-Rahman avait l’étoffe d’un véritable souverain.

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