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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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plus que je n’en pouvais supporter. Les larmes m’engloutirent. Je n’étais qu’une rivière de pleurs et de honte. Le souffle me manquait et je ne parvenais pas à prononcer une syllabe. J’avais tant à dire pour me faire pardonner !
    Soudain, la mèche d’une lampe éclaira le visage de Muhammad.
    Quel visage ! Quelle douceur ! Quelle bonté !
    Sa paume fut sur mon front, sur mes tempes.
    Ses doigts se mouillèrent à mes yeux et mes joues.
    Il chuchota vingt fois mon nom :
    — Aïcha, Aïcha, Aïcha, Aïcha…
    Mes larmes n’en étaient que plus amères et plus violentes.
    Il prit un linge et me lava les joues.
    Ce fut comme s’il me plongeait dans une source fraîche. La poitrine secouée de hoquets, je voulus ouvrir la bouche. Il me ferma les lèvres.
    — Allah est le Bien-Informé, dit-il. Et moi, ce que je dois savoir, Il me l’apprend.
    La peur dut se lire sur mes traits. Il secoua la tête.
    — J’avais dit : Allah m’ouvrira la voie vers toi. Il l’a fait selon Sa volonté. Tu es Aïcha la très aimée épouse de Muhammad le Messager. Tu le seras jusqu’au jour du jugement. Et tu seras incomparable, car ce n’est pas le sang des femmes qui coule en toi, mais les mots de Djibril. Voilà ton devoir et ton enfantement.

4.
    Dois-je l’avouer ? Qu’Allah me pardonne, les jours qui suivirent ne me parurent pas plus importants que les mots de Muhammad cette nuit-là. Ils changèrent cependant la vie dans Yatrib.
    Comme l’avait prévu Omar, les guerriers d’Allah encerclèrent les fortins des Banu Qaynuqâ. Durant une lune, nul n’y entra, nul n’en sortit. Puis la soif en ouvrit les portes. Les Banu Qaynuqâ apparurent, pleurant après une goutte d’eau. On la leur donna.
    Comme je n’avais rien vu de la scène, Barrayara me la raconta :
    — Une fois la soif des Banu Qaynuqâ étanchée, Fatima, enragée par l’affront infligé à Safyia, a réclamé vengeance. Elle a presque convaincu le Messager de tous les passer par le fil des nimcha. Cela a failli tourner au massacre. Mais alors que l’Envoyé allait ordonner d’emprisonner les Banu Qaynuqâ, Abdallâh ibn Obbayy lui a saisi le bras. Ton époux est devenu livide de rage : « Lâche-moi !» a-t-il hurlé. « Par Dieu, non ! a crié ibn Obbayy. Qu’Allah le Tout-Puissant me juge si je ne protège pas ceux qui un jour m’ont protégé. Ceux-là l’ont fait sans crainte, et plus d’une fois. Tu les faucherais à coups de sabre en un clin d’oeil ? Alors fauche-moi aussi. »
    Je demeurai saisie devant le terrible tableau que me peignait Barrayara.
    — Ah ! poursuivit ma servante. Tu aurais dû les voir sur leurs chevaux, tremblants de fureur, tandis qu’Omar, Fatima et les autres tournaient autour d’eux, la lame brandie au soleil. Mais ton époux a été le plus sage. Il a reconnu qu’‘Abdallâh ibn Obbayy obéissait à la loi de l’honneur et qu’Allah ne pouvait en être offusqué. Il a dit : « Trois jours, c’est le temps qu’Allah le Miséricordieux accorde aux Banu Qaynuqâ pour quitter Yatrib les mains nues. Trois jours, pas un de plus. Allah ne guide pas un peuple d’injustes [7] . Mais Il ne guide pas non plus les sourds et les aveugles obstinés. Ceux-là, la fournaise les attendra à leur heure. »
    Ce qui fut. Car Talha avait dit vrai : la guerre nous conduisant à Mekka venait de commencer.

Deuxième rouleau

Temps de paix,
annonce de guerre

Toi qui liras ces souvenirs
    Sache que moi, Aïcha bint Abi Bakr, l’épouse bien-aimée du Prophète, je ne vivrai peut-être pas assez longtemps pour te les conter dans toute leur étendue.
    Voilà dix jours que mes doigts n’ont pas tracé un mot. Je venais d’écrire la dernière phrase que tu as lue plus haut dans ces rouleaux de mémoire, quand la maladie s’est abattue sur moi tel un hijab opaque. Dans le regard des servantes, j’ai vu la crainte de la mort.
    Nous sommes au dixième jour du mois de shawal de la cinquante-sixième année après l’hégire. Fais le compte de mon âge, ami. Dis-moi s’il n’est pas temps qu’Allah me ferme les yeux et la bouche pour me soumettre à Son jugement ?
    Non, pas encore.
    La tourmente de la maladie est passée sur moi comme l’orage purifie et ravive les arpents épuisés. J’ai rouvert les yeux. Des potions, des prières et des soupes légères m’ont réchauffée. Le sommeil s’est envolé de ma couche et il me suffit de clore les paupières pour subir encore et encore le

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