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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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Tamîn en levant vers le ciel ses mains potelées. Les Juifs, eux, se tiennent toujours inclinés sur la Thora.
     
    Enfin, l’escalier fut installé dans la masdjid avant le crépuscule. Les Croyants le découvrirent en arrivant pour écouter le prêche de l’Envoyé. La bousculade qui s’ensuivit manqua d’en étouffer plus d’un : tous voulaient examiner de près cet objet singulier. Omar et ses guerriers mirent de l’ordre afin que chacun puisse satisfaire sa curiosité.
    Après quoi, mon époux gravit les neuf marches et se dressa dans l’espèce de nacelle. L’escalier se montra si stable qu’il ne bougea ni ne grinça sous son poids. Le charpentier de Ghassan rayonnait de joie.
    L’Envoyé posa les mains sur la rambarde dorée et nous toisa l’un après l’autre. Même moi, qui m’attendais à voir mon bien-aimé là-haut, je fus saisie d’un long frisson. Jamais, me sembla-t-il, Muhammad le Messager ne s’était montré aussi splendide. Oui, Allah avait tenu la main de Tamîn dans le choix de ce meuble !
    Les mots parurent tomber sur nos fronts. Je vis les nuques plier.
    L’Envoyé dit :
    — Allah donne, Allah reprend. Il est puissant en tout. À l’heure du butin, Il dirige aussi le juste et l’injuste. Il fait triompher Ses prophètes selon Ses desseins. Le butin qu’il vous accorde aujourd’hui ne vous a coûté ni cheval ni monture [10] . Pour que l’équité soit entre les pauvres et les riches, de ce jour, la cinquième partie de tout ce que vous engrangerez dans les victoires Lui revient. Son Prophète répartira ce quint en trois parties. Une pour la maisonnée de l’Envoyé, une pour les faibles qui n’ont pu combattre pour de bonnes raisons, et la dernière pour assurer la puissance d’Allah [11] .
    Il dit encore :
    — À présent, ceux de Yatrib qui insultent les Croyants connaissent leur sort. Il est inévitable. Dieu a choisi ce lieu pour être Sa source éternelle. C’est pourquoi nous n’appellerons plus l’oasis où nous avons trouvé refuge Yatrib, mais « Madina », la ville . La cité d’Allah et de Son Prophète.
    J’ai rarement vu un tel bonheur sur les visages des Croyants. Cette nuit-là, dès la fin de la prière, les fidèles se dispersèrent en répétant : « Madina, Madina, Madina… »
    Comme si chacun arrivait enfin chez soi après un long voyage.

2.
    Il en advint du butin comme l’Envoyé l’avait ordonné. La richesse des Banu Qaynuqâ coula sur les Croyants, pauvres et riches. Les demeures, les robes et les tuniques s’embellirent. Les jarres et les resserres se remplirent, ainsi que les enclos et les coffres, où les guerriers admiraient leurs armes et leurs cuirasses.
    À moi, mon époux offrit un collier, mais qui ne me procura pas la même joie que le premier.
    En vérité, le bonheur et l’assurance qui flottaient autour de moi me laissaient indifférente. Les jours de la fin du siège m’avaient divertie, mais, comme je l’ai dit et qu’Allah me pardonne, je ne parvenais pas à me réjouir de cette nouvelle victoire, trop occupée que j’étais de mon propre sort.
    Après mon aveu, mon époux avait effacé en quelques mots mon mensonge et ma faute. Mais les phrases qu’il avait prononcées m’avaient troublée tout autant qu’elles m’avaient apaisée : « Ce n’est pas le sang des femmes qui coule en toi, mais les mots de Djibril. Voilà ton devoir et ton enfantement. »
    Plus le temps passait, moins j’étais certaine d’en saisir le sens. Allah m’avait-Il retiré, déjà et pour toujours, la possibilité d’être mère ? N’enfanterais-je jamais ? Si cela était, comment mon très-aimé pouvait-il s’en réjouir ?
    J’imaginais déjà les cris de mon père et de ma mère lorsqu’ils l’apprendraient. Car ils l’apprendraient, et avant longtemps. Ils ne seraient pas les seuls. Avec l’aide de Barrayara, j’avais pu tricher durant deux ou trois lunes, me cloîtrer comme si le sang des femmes m’était réellement venu et accomplir les devoirs des épouses impures. Des simagrées que je devais abandonner. Jamais Muhammad n’accepterait que ce mensonge perdure sous son propre toit, lui qui chaque jour blâmait les hypocrites. Alors, la maisonnée tout entière saurait, et de penser à cette existence de femme sèche qui m’attendait, j’en perdais le souffle.
    Tout Yatrib, maintenant Madina, saurait !
    Aussi loin que s’agrandirait le royaume d’Allah, chacun le saurait ! Jusqu’à Mekka,

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