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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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d’après le ramadan. Ensuite, nous enfilerons nos cuirasses, et Allah sera content de nous. »
    — Tu veux dire : la guerre de nouveau ? murmurai-je, abasourdie.
    — Oui, approuva durement Talha. La guerre, et cette fois jusqu’à Mekka, jusqu’à dans la Ka’bâ. C’est ce que Dieu attend de nous.
    Le chant de Bilâl cessa. La cour se peuplait. On jeta des regards vers nous. Je n’y accordai pas d’importance. Talha se releva. Il attendit que je sois debout à mon tour pour bien me fixer et ajouter :
    — Aïcha, tu dois aussi savoir que Fatima est venue devant son père demander le droit de porter la cuirasse. Elle veut être aux côtés de l’Envoyé et d’Ali quand ils pousseront leurs chevaux jusqu’aux fortins des Banu Qaynuqâ. L’Envoyé a répondu qu’il en serait très heureux et très fier.

3.
    Voilà comment les choses se passèrent, le prévu et l’imprévu.
    Malgré nos précautions, les Banu Qaynuqâ apprirent le projet de l’Envoyé avant la rupture du jeûne. Peut-être ‘Abdallâh ibn Obbayy ibn Seloul fut-il dans le devoir de leur livrer la confidence : après tout, les Banu Qaynuqâ étaient ses affidés. Pendant deux jours, Yatrib entière vibra de peur, de palabres, de colère. Et durant ces deux jours, les Banu Qaynuqâ firent tout ce qu’il était en leur pouvoir pour rallier à eux d’autres clans.
    À leurs grandes fureur et surprise, nul ne voulut les suivre. Bien des années plus tard, mon époux me confia que cela avait été l’oeuvre d’Ubadia ben Shalom, son ami juif. Il avait réussi à convaincre ibn Obbayy de peser de tout son poids en notre faveur.
    Quoi qu’il en soit, sentant le vent tourner, pleins de dépit et de morgue, les Banu Qaynuqâ s’enfermèrent dans leurs fortins de la plaine de Yatrib. Du dernier-né aux vieillards mourants, tous disparurent derrière leurs murs crénelés hauts de cinq ou six fois la taille d’un homme, avec quantité d’armes, de chevaux, de chameaux, de petits troupeaux et de vivres.
    À ceux qui s’en effrayèrent, Omar répondit avec un rire :
    — Que craignez-vous ? Ils peuvent bien s’enfermer avec autant de chèvres qu’en compte la Création ! Quand ils auront bu le sang de chacune, ils mourront de soif, et nous serons là, dehors, à leur tendre des gourdes ou des lames, selon leur choix.
    L’Envoyé ne changea rien à sa décision d’attendre la fin du jeûne avant de montrer sa force. Il donnait ainsi l’occasion aux Banu Qaynuqâ de se soumettre ou de quitter Yatrib avant que les nimcha ne soient brandies.
    Partout où l’on posait les yeux, on ne voyait que des hommes en armes, des servantes faisant luire des cuirasses, des chevaux lustrés comme pour une parade. L’air paraissait gorgé de cuir et de métal, et peut-être aussi d’appréhension.
     
    Enfin Bilâl chanta la rupture du jeûne. La cour de notre maison était si pleine de monde qu’on ne pouvait s’y déplacer sans se heurter. La prière du crépuscule fut fervente et longue. La masdjid ne suffit pas. Mon père demanda que les femmes, les enfants et les servantes prient dehors.
    Quand vint le moment du repas, je ne pus pas apporter son écuelle à mon époux. Muhammad était si étroitement entouré qu’on ne voyait guère que son manteau et son chèche. Ils étaient vingt, trente, cinquante à réclamer sa bénédiction sur leurs poings armés.
    Je tentai de l’approcher, de croiser son regard. Inutile. On me repoussait comme si je n’étais personne.
    J’entrevis Talha, Ali et Zayd en grande conversation, mais aucun ne tourna la tête vers moi.
    J’aperçus Fatima en corset de cuir au côté d’Omar. Je l’enviai un instant, le temps de retourner dans ma chambre d’épouse vide. Barrayara tenta de m’informer des mille rumeurs du jour. Je la chassai après avoir écouté trois phrases. Je voulais rester seule avec ma mauvaise humeur. Si bien que j’entendis à peine le bruit décroître, puis cesser, tandis que notre cour se vidait.
     
    Le silence était si grand qu’on entendait le crissement des grillons au-delà de nos murs quand mon époux souleva la portière de ma chambre.
    Il vint à ma couche sans un mot et sans me laisser le temps d’un bavardage inutile. Il n’attendit pas que je retire ma tunique. Ses baisers et ses caresses effacèrent mes pensées. Je me liai à lui comme s’il pouvait m’emporter loin de toute chose connue.
    Mais lorsqu’il se dénoua de moi et bascula sur le côté, ce fut

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