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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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maintenant que vous m’avez réveillée et que le ventre de l’épouse se remplit comme il se doit, vous n’avez plus besoin de moi.
    Le sarcasme de Barrayara me siffla aux oreilles. Ma vieille nourrice savait manipuler les mots dans tout leur double sens. Par bonheur, Talha ne pouvait ni comprendre ni remarquer mon air troublé. Il la regarda qui s’éloignait sans attendre de réplique, traînant ses sandales avec toute l’impertinence dont elle était capable. Il rit doucement.
    — Barrayara dit vrai, fit-il en se tournant vers moi. Une fois le soleil levé, on ne va pas beaucoup t’aimer dans la maison.
    Il avait mille fois raison. Mais j’avalai ma bouchée en haussant les épaules. Moi aussi, je voulais me montrer désinvolte.
    — Le soleil ne se lèvera plus que trois fois avant la fin du jeûne, dis-je. Une fois le jeûne terminé, tout le monde aura oublié.
    Talha fit semblant d’approuver. L’aube montait de plus en plus vite. Il ne restait plus longtemps avant que Bilâl ne lance son appel. Je me dépêchai d’achever ma soupe et mon pain. Talha redevint sérieux et murmura très vite :
    — Je ne suis pas seulement venu t’apporter de quoi manger et te dire le plaisir que l’Envoyé a eu de tes mots. Il veut que tu saches ce qui va arriver bientôt. Il m’a dit : « Mon épouse est devenue femme. Elle supporte devant Allah tout ce que je suis. Ne la laissons pas dans l’ignorance comme une servante. » Mais tu dois le garder pour toi. Pas un mot à quiconque, et surtout pas à Barrayara ou à ta mère, Omm Roumane. Ce sont de grandes bavardes.
    La surprise et l’émotion me laissèrent sans voix. Les mots de Talha coulaient en moi tout à la fois comme un miel et une langue de feu. Je songeai : « Ainsi va donc le tourment de Dieu qu’il m’enfonce toujours plus loin dans la plaie de mon mensonge ?»
    — Oui, marmonnai-je, baissant les yeux et m’essuyant la bouche.
    — L’Envoyé a beaucoup prié et réfléchi ces derniers jours, reprit Talha. Il a demandé l’avis de ton père, d’Omar et de Tamîn, d’Abu Hamza et de bien d’autres. Il a écouté le Juif Ubadia ben Shalom et a pris l’avis d’‘Abdallâh ibn Obbayy. Il a conclu : Les Banu Qaynuqâ ne peuvent continuer d’aller leur chemin dans Yatrib sans se soumettre en entier à la volonté du Clément et Miséricordieux. Les laisser en paix serait une grande faute. Ils ne sont que la tête d’un ver malfaisant, un ver qui veut tout corrompre. À la synagogue, leurs vieux rabbis condamnent chaque pas que nous faisons. Ils disent : « Cela est en désaccord avec la Thora. » Même notre jeûne ne leur convient pas. Ils disent : « Dieu a ordonné le shabbat et rien d’autre. » Ils disent : « Muhammad le Messager n’est pas un véritable nâbi, il ne sait rien des véritables volontés de Dieu. » Avant-hier, les sentinelles qu’Abu Hamza avait postées sur la route de Qobâ ont arrêté un homme des Banu Qaynuqâ. Il filait à Mekka déguisé en Bédouin pour porter un message à Abu Sofyan : « Viens à Yatrib t’en prendre à Muhammad le faux prophète. Les arcs et les épées des Banu Qaynuqâ seront à ton côté. »
    J’avais cessé de manger. Je n’avais plus faim. Ma gorge était si serrée qu’une goutte de lait ne serait pas passée. Était-il possible que la haine des Banu Qaynuqâ envers nous soit si forte ?
     
    Le jour maintenant pâlissait nos visages. Talha vit ma stupeur et opina :
    — Aucune surprise dans tout cela. Jamais les Banu Qaynuqâ n’ont accueilli notre venue avec respect. Jamais le pacte de paix que leur a proposé l’Envoyé ne leur a convenu. Ils ont fait les hypocrites en espérant nous chasser dès que le pouvoir serait entre leurs mains. Tout autour de Yatrib, ils ont marchandé leurs alliances en même temps que leurs bijoux et leurs armes. Ils connaissent mieux que personne le pouvoir du commerce. Allah déteste les situations fausses et les mensonges. L’heure est venue de lever le tapis qui voile les ombres.
    Le premier appel de Bilâl s’éleva dans l’air vibrant de l’aube. Baissant encore la voix sous le chant, Talha me fit signe de l’écouter jusqu’au bout :
    — Les arcs et les épées des Banu Qaynuqâ ne sont pas négligeables. On prétend que leurs clans comptent sept cents combattants. Omar assure que nous serons au moins autant d’ici à la fin du jeûne. L’Envoyé a dit : « Prenons d’abord notre premier repas

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