Aïcha
éprouvé à retrouver son collier égaré.
Mais la poitrine de Djouwaïrya l’allaitait de nouveaux plaisirs…
Puis, dès notre retour à Madina, Zaïnab, Omm Salama et Hafsa s’abattirent sur lui telle une volée de tourterelles.
Les raisons d’éviter ma couche ne lui manquèrent pas durant des jours.
L’orgueil et la jalousie font bon ménage. Si bien que, ressassant l’un et l’autre, je restai cloîtrée dans ma chambre durant presque une lune, dédaignée de toutes et de tous.
Je m’obligeai si bien à m’accoutumer à la distance manifestée par mon époux que j’en devins aveugle et sotte.
Les coups d’oeil en coin des servantes, les lèvres pincées de Barrayara, les sous-entendus tristes d’Hafsa… rien ne m’intriguait.
Hautaine, je l’étais comme toujours je sus l’être. Assez pour qu’aucune des bouches qui voulaient me mettre en garde ne s’ouvre. Pas même celle de Barrayara.
Ô toi qui lis, si tu veux mesurer quel visage de pierre je montrais, pense à cela : pendant tout ce temps, Barrayara se tut.
Jusqu’au jour où, en compagnie d’Hafsa, j’allai à l’arrière de la maison, dans le petit lieu de retraite réservé aux femmes. Certaines de mes compagnes portèrent sur moi des regards affligés, d’autres se détournèrent.
Soudain, le pied d’Hafsa glissa dans la boue. Elle poussa un cri de dégoût :
— Pouah ! Que cette boue merdeuse tombe sur la tête d’ibn Obbayy !
Je ris et l’aidai à se laver.
— Pourquoi en veux-tu tant à cet hypocrite ? lui demandai-je. Douteur et faux, on sait qu’il l’est et le sera jusque dans l’enfer d’Allah. Notre époux ne se soucie plus de lui.
— Ô Aïcha, s’exclama Hafsa, les larmes aux yeux. Tu ne sais donc rien ?
— De quoi parles-tu ?
— Comment est-ce possible ! Viens, viens ! Retournons dans ta chambre. Il faut que nous parlions.
Ce fut ainsi que j’appris tout.
4.
J’appris qu’en me voyant revenir sur le chameau de Safwan ibn Mo’attal, ibn Obbayy le puant ricana en déclarant d’une voix très forte :
— Aïcha est bien excusable pour ce qu’elle vient de nous montrer. Ce Safwan, fils de Mo’attal, est sans conteste plus beau, plus jeune et plus vigoureux que son époux Muhammad !
J’appris que les mots de cet hypocrite, qui ne devait de respirer encore qu’à la bonté d’Allah et de Son Envoyé, parcoururent toute la caravane et arrivèrent avec elle à Madina. Crois-tu, lecteur, que chacun cracha dessus autant qu’à la face de la hyène qui les avait vomis ? Non.
J’appris qu’un esclave de la maison de mon père que, enfant, j’avais repoussé avec colère pour m’avoir caressé l’épaule, déclara devant tous :
— Oh, moi, cela, je le sais depuis longtemps ! J’ai dû fermer les yeux. Quand on croyait Aïcha avec Talha ibn Ubayd Allah, en vérité elle était avec Safwan ibn Mo’attal, et pour faire ce que l’on sait…
Talha se défendit :
— C’est faux ! Je vais te couper la langue !
Mon père Abu Bakr répondit :
— Ne te précipite pas, Talha ! C’est trop tôt. La vérité n’est pas certaine. L’Envoyé seul tranchera.
L’Envoyé, lui, ne réagit pas.
J’appris que Zaïnab, main dans la main avec sa soeur Hamna, alla devant qui voulait les entendre.
— Moi aussi, je savais, racontait Hamna. Plus d’une fois, j’ai vu Aïcha quitter sa chambre à la nuit tombée. Elle faisait croire qu’elle allait rejoindre Hafsa. C’était pour tromper le monde et courir dans les bras de Safwan ibn Mo’attal. Une fois, me doutant qu’Aïcha mentait à son époux, j’ai guetté sa porte toute la nuit, pleine de chagrin. Elle n’est rentrée qu’à l’aube en faisant croire une fois de plus qu’elle avait dormi chez Hafsa.
Hafsa alla devant Hamna et la gifla :
— Menteuse, pouilleuse de détritus ! Comment oses-tu ?
Zaïnab se précipita sur Hafsa :
— La bouche de ma soeur est pure comme de l’eau de source. Toi et Aïcha, vous êtes pourries de jalousie depuis que l’Envoyé vient dans ma couche, car il y trouve ce que vous n’avez jamais su lui donner.
J’appris qu’un certain Hashan ibn Thâbit, que sa langue l’empoisonne même en enfer, fit couler le fiel jusque dans les maisons les plus lointaines. Il était homme d’écriture, veule et capable de se rouler dans la poussière pour complaire à l’Envoyé. Je l’avais rencontré dix fois et j’avais contredit au
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