Aïcha
avec Aïcha”, tu peux la croire. »
Puis elle me raconta le moins plaisant :
— À son tour, Ali ibn Abi Talib est venu devant son beau-père. Il a dit : « Ce qu’a fait, ou non, ton épouse Aïcha, je n’en ai pas connaissance. La bouche d’ibn Obbayy, on sait ce qu’elle vaut. Mais le caractère d’Aïcha aussi, et comment sa jeunesse aurait pu la conduire à l’erreur. La jalousie est dans sa nature. Cela pousse à bien des fautes. Regarde comme Aïcha se comporte mal avec ta fille Fatima. Si tu as un doute sur ton épouse, ô Apôtre de Dieu, libère-toi le coeur. Le monde est plein de femmes, et je n’en connais aucune qui soit irremplaçable. Répudie Aïcha. Tu seras léger et tu retrouveras des couches joyeuses. »
Si faible que j’étais, la fureur me redressa.
— Ali ! L’immonde ! hurlai-je.
Barrayara mit longtemps à m’apaiser. Ali m’eût planté une dague dans le dos que ma douleur n’eût pas été plus grande.
Mes cris étaient si violents que ma mère Omm Roumane accourut. Je la repoussai. Barrayara me couvrit de linges tièdes et me fit respirer des herbes, mais mon corps sans nourriture était aussi tendu que la corde d’un arc.
Quand enfin je fus capable de l’entendre, Barrayara me dit :
— Maintenant, ma fille, ouvre grand tes oreilles. Ce que je vais t’apprendre comptera pour longtemps. Laisse ton coeur de côté, juge avec ta raison et comprends enfin où doit aller ton assurance.
Elle m’expliqua :
— Allah nous tend des pièges afin que nous révélions notre véritable nature. Ibn Obbayy a saisi la première occasion de laver l’humiliation que lui a causée son fils en obtenant sa grâce auprès de l’Envoyé. Par ses calomnies, il cherche à atteindre ton époux plus que toi. Car lui, le puant, il sait que Muhammad t’aime comme il n’aimera aucune autre épouse. Même une avec les seins de cette Djouwaïrya bint Hârith. Ibn Obbayy est un fourbe. Allah l’a épargné uniquement pour que ses calomnies le discréditent à jamais aux yeux de tous. Ce qui arrivera si tu te comportes comme Dieu l’attend de toi.
— Mais Ali !
— Ah, en voilà une affaire pleine de recoins ! Omm Salama t’en veut beaucoup du peu de soutien que tu lui as montré quand Omar s’est opposé à elle. Elle t’en veut d’être la préférée de votre époux. Elle se trouve plus sage et plus intelligente que toi. Ce qui parfois est vrai. Et puis, elle est l’unique amie de Fatima, qui te déteste. Comme elle a dû prendre plaisir à envoyer Ali semer ses propos injurieux contre toi ! Quant à Ali… Il est satisfait de peiner l’Envoyé. Il y a deux lunes, il lui a demandé la permission de prendre une seconde épouse. Fatima s’y est opposée : « De mon vivant, jamais !» L’Envoyé a dit à Ali : « Ta femme ne le veut pas. Tu dois écouter Fatima comme tu m’écoutes, elle qui est une partie de moi. » Voilà ce qu’il en est, Aïcha. Les calomniateurs sont ceux qui te détestent et qui veulent blesser l’Envoyé. Et comment mieux faire le mal que de vous séparer, vous qui êtes inséparables ? Fais confiance à Dieu et à ton époux, ma fille. Ce qu’ils doivent savoir, Ils le savent. Ils trouveront leur chemin vers la vérité. Espérons que ce sera avant que tu ne dépérisses trop !
5.
Ô Allah clément et miséricordieux, dans Ta sagesse et pour mon bien, Tu as placé jugement et solidité dans une femme modeste comme Barrayara. Sois-en remercié ! Et bénie soit-elle dans l’éternité ! Il n’est pas de lune sans que je prie pour qu’elle soit heureuse dans la splendeur du paradis. Qui plus qu’elle le mérite ?
Pas un mot qu’elle n’ait prononcé dans cette terrible affaire qui ne se révélât juste.
Un jour, ma mère Omm Roumane vint avec des servantes pour me transporter dans la grande pièce de la maison. Muhammad était présent, en compagnie de mon père Abu Bakr. À la vue de ma grande faiblesse, ils pâlirent l’un comme l’autre. Mon époux dit très vite qu’il voulait m’entendre sur cette affaire qui semait une ombre sur Madina et dont j’étais la cause.
— Dans ce monde, nul humain n’est exempt de faute, me dit-il. S’il y a une vérité dans les rumeurs, demande au moins pardon à Dieu.
— Je ne suis l’objet que de mensonges et de calomnies, comme tu l’es toi-même sans te résoudre à le considérer, lui rétorquai-je avec colère. À ta question, je ne peux rien répondre
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