Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
longs sabres qui cou paient aussi bien de la pointe que du tranchant. Ils luttaient avec une férocité bestiale et s'échauffaient tellement durant les corps à corps qu'ils en arrivaient à
arracher la peau de leurs adversaires avec leurs dents. Venaient enfin comme pour les contenir, sept mille autres mercenaires grécs, d'in fanterie lourde et légère.
Sur les ailes, la cavalerie lourde des ~étairoÔ, composé~ de deux mille huit cents hommes, se détachait de l'infan terie; elle était flanquée d'autant de cavaliers thessaliens et d'environ quatre mille auxiliaires, ainsi que des cinq cents hommes de la " Pointe ", la fine fleur de la cavalerie, l'escadron d'Alexandre.
Le roi, monté sur Bucéphale et suivi de ses compagnons, passa l'armée en revue, subdivision par subdivision. Eumène était également présent, armé de pied en cap, bombant le torse sous sa cuirasse athénienne de lin, décorée et ren forcée de plaques de bronze si bien astiquées qu'on aurait pu se mirer dedans. Tandis qu'il observait cette multitude de soldats, des pensées plutôt prosaÔques se pressaient dans son esprit: il se demandait quelles quantités de blé, de légumes, de poisson salé, de viande fumée et de vin lui seraient nécessaires pour rassasier et désaltérer tous ces gens, quelles sommes il lui faudrait débourser pour acheter ces victuailles sur le marché; il évaluait le temps que dureraient les réserves.
Toutefois, il ne désespérait pas de prodiguer au roi ses bons conseils quant à la réussite de son expédition avant la tombée de la nuit.
Dès qu ils eurent atteint la tête de l'armée, Alexandre fit un geste en direction de Parménion, et le général donna aussitôt le signal de départ.
La longue colonne s'ébranla: la cavalerie en double rang sur les côtés, l'infanterie au milieu. Ils prirent la direction du nord et longèrent le rivage.
L'armée se déployait comme un immense~serpent. Au loin, on distinguait le casque d'Alexandre, surmonté de deux longues plumes blanches.
Au même moment, Daunia apparut sur le seuil du sanctuaire d'Athéna et s'immobilisa au sommet de l'escalier. Dans son armure trop rutilante et trop astiquée, le jeune homme qui l'avait aimée sur le rivage, en cette nuit parfumée de printemps, avait l'allure d'un enfant. Ce n'était plus lui, il n'existait plus.
Elle sentit un grand vide s'installer en elle en le voyant s'éloigner vers l'horizon. quand il eut totalement disparu, elle s'essuya les yeux d'un geste rapide de la main et regagna le temple, dont elle referma la porte derrière elle.
Eumène avait envoyé deux estafettes sous escorte, l'une en direction de Lampsaque et l'autre de Cyzique, deux puissantes villes grecques situées le long des Détroits; la première se dressait sur la côte, la seconde sur une île. Il leur renouvelait son offre de liberté et leur proposait un traité
d'alliance au nom d'Alexandre.
Le roi était émerveillé par le paysage qu'il découvrait. A chaque détour de la route, il disait à Héphestion: " Regarde ce village !
Regarde cet arbre... et cette statue... " Tout était pour lui source d'enchantement: les villages blancs sur les col lines, les sanctuaires des divinités grecques et barbares, plon ~gés dans la campagne, le parfum des pommiers en fleur, le vert rutilant des grenades.
~ Si l'on exceptait son exil parmi les montagnes enneigées dlllyrie~
c'était son premier voyage hors de Grèce.
Ptolémée et Perdiccas chevauchaient derrière lui, ses autres ompagnOns demeuraient auprès de leurs soldats. Lysimaque et Léonnatos fermaient la marche, à la tête de deux détache rnentS d'arrière-garde.
330 ALEX~NDRE LE GRAND~ LE,S SABLES D'AMMON
" Pourquoi allons-nous vers le nord ? demanda Léonnatos --Alexandre veut s'emparer de la rive asiatique du détroit De cette façon, personne ne pourra entrer au Pont ni en sorti sans notre autorisation. De plus, puisqu'elle dépend de importations de blé qui y transitent, Athènes aura ainsi d'ex cellentes raisons d'entretenir de bonnes relations avec nous. En outre, toutes les provinces perses qui donnent sur 1 mer Noire seront ainsi isolées. C'est là une opération ingé nieuse.
-- C'est vrai. "
Ils paursuivirent leur route au pas, sous le soleil qui amor çait sa course dans le ciel. Puis Léonnatos reprit: " Il y a pour tant quelque chose que je ne comprends pas.
--On ne peut pas tout comprendre dans la vie, ironisa Lysimaque.
--C'est possible, mais
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