Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
ricanant. Tu as l'air d'un général. Dommage que tes jambes soient aussi tordues et aussi maigres... "
L'assemblée partit d'un grand éclat de rire, mais Eumène déclama ces vers:
Je n'aime pas un général à la taille élancée à la démarche élastique, vain de ses cheveux frisés et rasé sous le nez. Il me faut un homme trapu, je lui veux des jambes cagneuses, des pieds bien plantés en terre, le coeur solide'.
" Bravo ! s'écria Callisthène. Archiloque est l'un de mes poètes préférés.
1. ARC~ILOqUE, Fragments, trad. André Bonnard, Paris, Les Belles Lettres 1958, P. 30.
_ Laissez-le parler, ordonna Alexandre. Eumène nous appOrte des nouvelles, qui, je-l'espère, sont bonnes.
--Bonnes et mauvaises, mon ami. Par lesquelles veux-tu que je commence ?
"
Alexandre masqua à grand-peine sa déception. " Par les mauvaises. On s'habitue toujours aux bonnes. Donnez-lui un siège. "
Eumène prit place avec raideur car son arrnure l'empêchait de se baisser.
" Les habitants de Lampsaque ont déclaré qu'ils s'estiment assez libres et qu'ils n'ont aucun besoin de notre aide. Bref, ils ne souhaitent pas que nous nous mêlions de leurs affaires. "
Le visage d'Alexandre s'était assombri, et l'on pouvait devi ner qu'il était sur le point de céder à la colère. Eumène se h‚ta donc d'enchaîner: "
En revanche, j'ai de bonnes nouvelles de Cyzique. La ville nous est favorable, elle accepte de se joindre à nous. C'est vraiment une bonne nouvelle, car tous les mer cenaires qui sont au service des Perses sont payés en monnaie de Cyzique. Des statères d'argent, pour être précis. Comme celui-ci. " Et il jeta sur la table une belle pièce de monnaie, qui rebondit et se mit à rouler sur elle-même comme une toupie jusqu'à ce que la main velue de Cleitos le Noir l'arrête d'un
e~ COUp sec.
" Et alors ? interrogea le général en la tournant et la retour nant entre ses doigts.
--Si la ville de Cyzique bloque l'émission de sa monnaie en direction des provinces perses, expliqua Eumène, les gouver neurs se trouveront vite en difficulté. Ils devront se taxer eux mêmes, ou chercher d'autres formes de paiement, que les
- mercenaires apprécient peu. Cela vaut aussi pour leur ravitail lement, pour la paie des équipages maritimes, et pour le reste.
--Mais comment as-tu fait ? demanda Cratère.
--Je n'ai pas attendu notre débarquement en Asie pour traiter~ répliqua le secrétaire. Je suis en négociation avec la ville depuis lorlgtemps. Du temps o˘ vivait encore... (il baissa la tête)... le roi Philippe. "
A ces mots, le silence s!abattit sous la tente comme si l'esprit du souverain tombé au faîte de sa gloire sous les coups de son assassin flottait surl'assistance.
" Bien, conclut Alexandre. Mais cela ne change rien à nos plans. Demain, nous marcherons vers 1 intérieur: nous irons débusquer le lion dans sa tanière. "
Dans le monde connu, personne ne possédait de cartes aussi précises et aussi complètes que cel}es de Memnon de Rhodes. Elles étaient, disait-on, le fruit de l'expérience rnillé naire des marins de son île et de l'habileté d'un mystérieux cartographe.
Le mercenaire grec déplia la carte sur sa table et enifixa les coins au moyen de quatre chandeliers. Puis il tira un pion d'un coffret à jeu et le posa entre la Dardanie et la Phrygie. " A l'heure qu'il est, Alexandre se trouve plus ou
mOlllS lCi. "
Les membres du haut commandement perse étaient réunis autour de la table, debout, dans leur tenue de combat, qui comprenait un pantalon et des bottes. Il y avait là Arsamès ét Arsitès, respectivement gouverneurs de la Pamphylie et de la Phrygie; Rhéomitrès, commandant de la cavalerie bactriané, Rhoisakès, ainsi que le commandant suprême, le satrape de la Lydie et de l'Ionie: Spithridatès, un gigantesque Iranien à la peau oliv
‚tre, aux yeux noirs et profonds, qui présidai t l'assemblée.
- " que suggères-tu ? ", demanda ce dernier en grec.
Memnon détourna les yeux de la carte géographique. Il avait la quarantaine, les tempes grisonnantes, les bras mus clés, une barbe très soignée, modelée par le rasoir, qui lui donnait l'allure d'un de ces personnages que les artistes grecs représentaient sur leurs bas-reliefs et leurs vases.
" quelles nouvelles avons-nous de Suse ? interrogea-t-il.
--Aucune pour le moment. Et nous ne pouvons nous attendre à des renforts massifs avant deux mois: les dis tances sont grandes et les procédures de recrutement
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