Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
une chose. Ton oncle Alexandre nous quitte.
--Pourquoi?
--Jusqu'à présent, il a été un souverain tel que peut l'être un acteur au thé‚tre. Il portait les vêtements et le diadème d'un roi, mais il ne gouvernait pas son royaume, qui est entre les mains d'Arybbas. Ton oncle a désormais vingt ans, il est
temps qu'il sè mette au travail. Je le débarrasserai d'Arybbas et je le rétablirai sur le trône d'…pire.
--J'en sws content pour lui, mais je suis désolé qu'il parte ", dit Alexandre, habitué à écouter les projets de son père comme s'ils étaient déjà réalisés.
Arybbas, il le savait, était soutenu par les Athéniens qui dis posaient d'une flotte à Corcyre, avec un contingent d'infanterie.
" Est-il vrai que les Athéniens sont à Corcyre et qu'ils pré parent un débarquement ? Tu finiras par te heurter à eux.
--Je n'en veux pas aux Athéniens; à vrai dire, je les admire. Mais ils doivent comprendre qu'en s'approchant trop de la Macédoine, ils se jettent dans la gueule du loup. quant à ton oncle, je suis moi aussi chagriné de me séparer de lui. C'est un gentil garçon, un excellent soldat et... je m'entends mieux avec lui qu'avec ta mère.
--Je le sais.
--Il me semble que nous nous sommes tout dit. N'oublie pas de faire tes adieux à ta soeur et, naturellement à ton oncle. A Léonidas aussi. Ce n'est pas un philosophe célèbre, mais c'est un brave homme, qui t'a appris tout ce qu'il pouvait et ~ui
. est aussi fier de toi que si tu étais son fils. "
- On entendait Péritas qui grattait derrière la porte. " Je n'y , manquerai pas, répliqua Alexandre. Puisje m'en aller? "
. Philippe acquiesça avant de gagner les rayonnages derrière son écritoire, comme pour y chercher un document. En réa lité, il ne voulait pas montrer à son fils qu'il avait les yeux humides.
12
Alexandre alla trouver sa mère le lendemain, à la tombée du jour. Elle finissait son repas et les servantes débarrassaient la table. La reine les arrêta d'un geste et leur ordonna d'apporter un siège.
" As-tu dîné ? demanda-t-elle. Puis-je te faire servir quelque chose ?
--J'ai déjà mangé, maman. Au banquet d'adieu donné pour ton frère.
--Je le sais, il viendra me dire au revoir avant de se cou cher.
Alors. . . demain est un grand jour ?
- A ce qu'il paraît.
- Triste?
- Un peu.
- Il ne faut pas. Sais-tu ce que dépense ton père pour transporlter à
Miéza la moitié de l'académie ?
--Pourquoi la moitié de l'académie ?
--Parce que Aristote n est pas seul. Il est accompagné de son neveu et disciple Callisthène, ainsi que de Théophraste, le grand scientifique.
--que dépense-t-il ?
-- quinze talents par an pendant trois ans. Il peut se le per mettre, par Zeus, les mines du Pangée lui en rapportent mille par an! En or. Il a placé
une telle quantité d'or sur le marché en aidant ses amis, en corrompant ses ennemis et en finançant ses projets, que les prix ont quintuplé dans toute la Grèce au cours de ces cinq dernières années ! Même ceux des philo sophes.
--Je vois que tu es de mauvaise humeur, maman.
--Je ne devrais pas l'être ? Tu pars, mon frère part. Je reste seule.
~ Il y a Cléop‚tre. Elle t'aime, et puis elle te ressemble beaucoup.
Malgré son jeune ‚ge, elle a un caractère fort et décidé.
--Oui, acquiesça Olympias. C'est vrai. "
Suivirent de longs instants de silence. Dans la cour réson naient les pas cadencés des soldats qui relevaient la garde.
" Tu n'es pas d'accord ? "
Olympias secoua la tête: " Non, ce n'est pas ça. Ou plutôt, c'est la décision la plus sage que Philippe ait jamais prise. Ma vie est difficile, Alexandre, et elle se dégrade de jour en jour. J'ai toujours été considérée ici, à Pella, comme "l'étrangère": on ne m'a jamais acceptée. Tant que ton père m'a aimée, j'ai tout supporté. C'était même agréable. Mais maintenant...
--Je crois que mon père...
-- Ton père est un roi, mon fils, et les rois ne sont pas
~,
qn Al FXANI)RF I F (~ Nr~ ® ~ F FTLS DU SONGE 81
comme les autres hommes: ils doivent se marier quand l'inté ~êt du peuple le requiert, une, deux, trois fois s'il le faut. Ou ~épudier leurs femmes pour la même raison. Ils doivent ~rnener des guerres interminables, intriguer, nouer et dénouer jdes alliances, trahir leurs amis et leurs frères si cela est néces 5saire. Crois-tu qu'il y ait une place pour moi dans le coeur d'un tel homme ? Mais ne me plains pas. Je suis une reine, et la
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