Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
petits soldats de céramique.
Elle avait acquis une telle habileté qu'il lui arrivait de battre son adversaire. Alors son visage s'éclairait et elle clignait des yeux. " Je suis plus forte que toi ! disait-elle en riant. Tu pourrais me nommer général ! "
Un soir qu'il la voyait particulièrement gaie, Alexandre lui prit la main et l'interrogea: " Leptine, tu n'as donc aucun sou venir de ton enfance ?
Comment t'appelais-tu, quel était ton pays, qui étaient tes parents ? "
La jeu~e fille se renfrogna aussitôt, baissa la tête d'un air gêné et se mit à trembler comme si un froid subit assaillait ses membres. Cette nuit-là, Alexandre l'entendit crier plusieurs fois dans son sommeil des mots étrangers.
Beaucoup de choses changèrent avec le retour du prin temps. Désormais, le roi Philippe désirait ardemment que son fils soit connu à l'intérieur et à
l'extérieur de la Macédoine. Il le présenta donc à plusieurs reprises à
l'armée rangée et vou lut qu'il l'accompagne dans de brèves campagnes militaires.
En ces occasions, il acceptait que son propre armurier fabrique les armes qu'Alexandre dessinait: de beaux et co˚ teux objets. Il avait ordonné à
Parménion de confier la pro tection de son fils à ses soldats les plus valeureux, mais aussi d'autoriser le prince à se montrer sur la ligne de combat o˘ il flairerait l'odeur du sang, comme il le disait.
Pour plaisanter, les soldats qualifiaient Alexandre de " roi " et Philippe de " général ", comme si celui-ci était le subalterne de son fils, ce qui procurait au souverain un immense plaisir. Il avait invité de nombreux artistes à réaliser le portrait d'Alexandre, afin d'en tirer des médailles, des bustes et des tableaux qui seraient offerts à ses amis et surtout aux déléga tions étrangères, ou à celles des villes grecques de la pénin sule. Sur ces images, le prince était représenté selon les canons les plus classiques de l'art grec, comme un éphèbe aux traits purs et aux cheveux dorés, agités par le vent.
La beauté d'Alexandre augmentait de jour en jour: du fait de la température de son corps, naturellement élevée, son visage était privé des défauts esthétiques de l'adolescence. Sa peau était lisse, tendue et sans la moindre imperfection, légè rement rosée sur les joues et la poitrine.
Il avait des cheveux épais, doux et ondulés, de grands yeux expressifs et une façon c˘rieuse de pencher la tête sur l'épaule droite, qui donnait à
son regard une intensité particulière: on aurait dit qu'il scrutait son interlocuteur jusqu'au fond de l'‚me.
Un jour, son père le convoqua dans son bureau, une pièce austère aux murs recouverts de rayonnages o˘ reposaient les documents de sa chancellerie et les ouvrages littéraires dont il se délectait.
Alexandre se présenta aussitôt, abandonnant derrière la porte Péritas, qui le suivait partout et dormait avec lui.
" C'est une année très importante, mon fils: tu vas devenir un homme. "
Il lui effleura des doigts la lèvre supérieure. " Tu com mences à avoir un peu de duvet, et j'ai un cadeau pour toi. "
Il prit dans un tiroir un étui en buis marqueté sur lequel se détachait l'étoile argéade à seize pointes, et il le lui tendit. En rouvrant, Alexandre découvrit un rasoir en bronze bien affilé, ainsi qu'une pierre à
aiguiser.
~ " Merci. Mais ce n'est sans doute pas pour cela que tu m'as appelé.
- Non, en effet, répondit Philippe.
--Alors, pourquoi ?
--Tu vas partir.
--Tu me renvoies ?
-- D'une certaine façon.
--O˘iraije?
--A Miéza.
--Ce n'est pas loin. Un peu plus d'une journée de cheval. Pourquoi ?
--Tu y passeras les trois années à venir afin de terminer tes études. Il y a trop de distractions à Pella: la vie de cour, les femmes, les banquets.
A Miéza, en revanche, j ai fait préparer un endroit magnifique, un jardin traversé par un ruisseau d'eau limpide, un bosquet de cyprès et de lauriers, des buis sons de roses...
--Papa, l'interrompit Alexandre, qu'est-ce que tu as ? "
Philippe sursauta: " Moi ? Rien. Pourquoi ?
--Tu parles de roses, de bosquets... J'ai l'impression d'en tendre un ours réciter des vers d'Alcée.
-- Mon fils, je veux juste te dire que j ai fait préparer pour toi l'endroit le plus beau et le plus accueillant qui soit, car c'est là que tu achèveras tes études et ta formation d'homme.
--Tu m'as vu monter à cheval, combattre, chasser le lion. Je sais dessiner, je connais la géométrie,
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