Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
je parle le macédo nien et le grec...
--Cela ne sufflt pas, mon garcon. Sais-tu comment les Grecs me surnomment depuis que j'ai gagné leur maudite guerre sacrée, alors que je leur ai donné la paix et la prospé rité ? Philippe le Barbare. Et sais-tu ce que cela signifie ? qu'ils n'accepteront jamais que je sois leur chef car ils me méprisent en dépit de leurs craintes.
" Nous tournons le dos à d'immenses plaines parcourues par des peuples nomades, barbares et féroces, et nous faisons face aux villes grecques qui se mirent dans la mer et qui ont atteint l'excellence dans le domaine des arts, de la science, de la poésie, de la technique, de la politique. Nous ressemblons à ces gens qui s'assoient devant un bivouac par une nuit d'hiver: leur visage est éclairé et leur poitrine réchauffée par le feu mais leur dos demeure dans l'obscurité et le froid.
" Voilà pourquoi je me suis battu pour enfermer la Macédoine dans des frontières s˚res et inexpugnables. Voilà pourquoi je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que mon fils soit un Grec aux yeux~des Grecs, par son esprit, par ses habitudes, et même par son aspect. Tu recevras l'éducation la plus raffinée et la plus complète qui soit. Tu pourras puiser ton savoir dans celui d'un excellent esprit, le plus apte à élaborer des pensées dans toute la grécité d'Orient et d'Occident.
--Et qui est ce personnage extraordinaire ? "
Philippe sourit: " C'est le fils de Nicomaque, le médecin qui t'a mis au monde. C'est l'élève le plus célèbre et le plus brillant de Platon. Il se nomme Aristote. "
" Pourrai-je emmener quelqu'un à Miéza ? demanda Alexandre après avoir entendu les volontés de son père.
--N'irnporte quel domestique.
--Alors, je choisis Leptine. Et mes amis ?
--Héphestion, Perdiccas, Séleucos et les autres ?
--J'aimerais bien.
--Ils t'accompagneront, mais certaines leçons te seront exclusivement réservées, celles qui feront de toi un homme différent. Ton maître décidera du déroulement de son ensei
gnement, des sujets d'études communs et de ceux qui ne concerneront que toi. Il fera régner une discipline de fer: désobéissance, manque d'attention ou d'application seront exclus. Et si tu les as mérités, tu subiras les mêmes ch‚timents que tes camarades.
--quand doisje partir?
--Bientôt.
--Mais quand, exactement ?
--Après-demain. Aristote se trouve déjà à Miéza. Prépare tes bagages, choisis tes domestiques, en dehors de la jeune fille, et passe un peu de temps auprès de ta mère. "
Alexandre acquiesça avant d'observer un moment de 78 ALEXANDRE LE G~AND | Ì E F~LS DU SO~GE:
silence. Son père s'aperçut qu'il se mordait la lèvre inférieure pour éviter de trahir son émotion.
Il s'approcha et lui posa une main sur l'épaule: " C'est nécessaire, mon garçon, crois-moi. Je veux que tu deviennes grec, que tu appartiennes à la seule civilisation au monde qui forme des hommes et non des esclaves, qui possède les connaissances les plus avancées, qui parle la langue dans laquelle l'lliade et l'Odyssée furent composés, qui représente les dieux comme des hommes et les hommes comme des dieux... Cela ne signifie pas que tu renieras tes origines, car tu resteras macédonien au plus profond de toi: les enfants des lions sont des lions. "
Alexandre tournait et retournait entre ses mains son rasoir tout neuf.
" Nous n'avons pas passé beaucoup de temps ensemble, mon fils ", reprit Philippe. Il passait sa main rêche dans les cheveux d'Alexandre en les ébouriffant. " Nous n'en avons pas eu le temps. Tu vois, je suis un soldat et j'ai fait pour toi ce dont j'ai été capable: te conquérir un empire trois fois plus grand que celui que j'ai reçu en héritage de ton grand-père Amyntas, et faire comprendre aux Grecs, en particulier aux Athéniens, qu'ils doivent respecter la grande puissance que nous constituons. Mais je ne suis pas en mesure de former ton esprit. Et les maîtres que tu as eus ici, au palais, ne le sont pas non plus~ Ils n'ont plus rien à t'apprendre.
--Je t'obéirai, affirma Alexandre. J'irai à Miéza.
--Je ne t'envoie pas en exil, mon fils, nous nous verrons, je te rendrai visite, comme ta mère et ta soeur si elles le désirent. Tu trouveras un lieu de recueillement pour pouvoir étudier. Naturellement, tu partiras avec ton maître d armes, ton pro fesseur d'équitation et ton veneur. Je ne veux pas d'un philo sophe, je veux un roi.
--Comme tu le souhaites, papa.
--Encore
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