Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
fais-tu? s'exclama Ptolémée. C'est le prisonnier d'Alexandre.
--C'est d'abord le mien ", répondit le Perse en lui lançant un regard si féroce que Ptolémée n'eut pas le courage de réagir. Puis il s'empara de son poignard et en pointa la lame affilée sur le prisonnier, qui serrait les m
‚choires en se prépa rant à la torture.
Oxathrès coupa les lacets des vêtements de Bessos, le lais sant complètement nu, ce qui était le comble de l'humiliation pour les Perses.
Puis il l'attrapa par les cheveux et lui trancha le nez et les oreilles. Le prisonnier supporta ces atroces muti lations sans pleurer ni crier, avec une grande dignité.
" «a suffit, maintenant ! ", s écria Ptolemée horrifié par ce spectacle. "
«a suffit ! " Il descendit précipitamment de son cheval, repoussa Oxathrès et appela un chirurgien auquel il intima l'ordre de bander les blessures du prisonnier afin qu'il ne perde pas trop de sang.
La tête enroulée dans un pansement, Bessos fut obligé de se remettre en marche, entièrement nu, sur un sentier hérissé de silex pointus. Ptolémée l'examina tandis que ses ennemis le traînaient par une corde attachée à son cou, et cette scène gro tesque lui rappela un passage de l'OEdipe roi, qu'une troupe ambulante avait joué devant lui dans son village natal, quand il était enfant. C'était ainsi qu'OEdipe était apparu: un bandage ensanglanté autour des yeux, qu'il s'était crevés avec l'ardillon de sa ceinture.
Ils marchèrent toute la nuit et le lendemain. Le troisième jour, ils retrouvèrent Alexandre avec le reste de l'armée. Le roi vint à leur rencontre, flanqué de ses amis et d'un groupe d'of ficiers perses. Il observa son adversaire, le soi-disant Artaxerxès IV, tandis que les Perses restés fidèles au défunt roi Darius le couvraient de crachats, le bourraient de coups de poing et de gifles, transformant son visage en un masque de sang.
Alexandre, qui se dressait alors comme le vengeur de Darius et son successeur légitime, attendit que les Perses se fussent défoulés pour appeler Oxathrès. " «a suffit, maintenant, lui dit-il. Fais-le conduire à
Bactres, o˘ un tribunal le jugera à mon retour. Aucun mal ne devra lui être fait jusque-là. " Il s'adressa ensuite à Ptolémée: " Tu as mené à bien une entre prise extraordinaire. J'ai appris que tu avais parcouru en trois jours une route qui en demande dix. Partageras-tu mon dîner, ce soir ?
--Je le partagerai ", répondit Ptolémée. ~
La nuit tombait quand Alexandre regagna sa tente, o˘ Leptine lui préparait un bain. Alors qu'il s'apprêtait à se glis ser dans la baignoire, on lui annonça la visite de Philippe, son médecin.
" Entre, l'invita-t-il. J'allais prendre un bain. Y aurait-il des malades parmi la troupe ?
-- Non, sire. Tout le monde se porte relativement bien. J'ai i
une mauvaise nouvelle pour toi: la princesse Stateira a fait une fausse couche. "
Alexandre baissa la tête. " C'était... un garçon? demanda t-il, la voix brisée.
--Oui, d'après ce qu'on m'a rapporté ", répondit Philippe. Le roi s'abstint de lui poser d'autres questions. La gorge ser rée, le médecin se contenta d'ajouter: " Je suis désolé... je suis désolé. " Et il sortit.
43
Le cortège qui suivait l'armée du roi, parfois à plusieurs journées de marche, ne cessait de grossir. Il comportait des tri bunaux, o˘ l'on administrait la justice; des thé‚tres ambu lants, qui donnaient des représentations de drames populaires
indigènes, ou de comédies et de tragédies appartenant au répertoire grec; des bazars, qui vendaient ou achetaient toutes sortes de marchandises.
Les unions entre soldats macÎdoniens et jeunes indigènes se multipliaient. Il en résultait de nombreuses naissances d'enfants au sang mêlé. Tous ces gens considéraient désor mais Alexandre comme un dieu, du fait de son aspect éblouis sant, de son invincibilité et de sa capacité à
balayer les obs tacles naturels--en l'occurrence les plus hautes montagnes et les plus grands fleuves du monde.
Mais Alexandre se rendait compte que ce cortège finirait par causer la paralysie de l'armée, entravant ses mouvements et l'empêchant de réagir aux attaques avec la rapidité néces saire. Il décida donc d'en renvoyer une partie avec Cratère sur la rive de l'Oxus, pour fonder une nouvelle Alexandrie. Plusieurs centaines de personnes s'y installèrent avec quatre cents soldats unis à des femmes de leur suite, et l'on dota cette
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