Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
communauté des institutions des cités grecques, notamment d'une assemblée élective et de magistrats. Le roi reprit ensuite la route vers le nord, traversant un territoire partiellement aride avant d'atteindre les rives d'un affluent de l'Oxus, que les
indigènes appelaient " le Très Honorable ", et auquel les Grecs attribuèrent le même nom: Polytimétos. Il y avait là une belle ville, Maracanda, que fréquentaient les Sogdiens et les Scythes asiatiques. Ceux-ci venaient des immenses territoires qui s'étendaient de l'autre côté du fleuve afin d'y vendre leurs produits: peaux, bétail, pierres dures, poussière d'or, ainsi que des esclaves capturés sur des terres lointaines.
Des caravanes indiennes y confluaient également après avoir franchi des cols montagneux.
Alexandre vira ensuite vers l'est, il marcha vers la ville la plus éloignée que les Perses eussent jamais ralliée dans cette direction. Cyrus le Grand l'avait lui-même fondée sur le fleuve Iaxartes en lui donnant le nom de Kurushkhat, qui voulait dire Cyropolis. quand Alexandre y arriva, elle servait de forte resse aux amis des deux satrapes rebelles, Spitaménès et Dataphernès.- Après avoir livré Bessos à Ptolémée ils avaient pris la tête des populations qui refusaient de se plier à l'auto rité du nouveau souverain.
La ville était protégée par un vieux bastion de briques crues que les pluies et le vent avaient érodé, et surmontée de tou relles en bois. Sept villes mineures l'entouraient. En moins d'un mois, Alexandre les soumit l'une après l'autre et leur imposa une garnison macédonienne.
Décidant ensuite de fêter sa victoire, il invita ses compa gnons et ses officiers supérieurs à un banquet.
Il les accueillit sur le seuil du palais, les embrassa sur la joue et les invita à s'asseoir à l'intérieur, o˘ le service de symposion --cratère, coupes et puisettes--avait déjà été installé. Alors qu'ils s'asseyaient, d'autres invités se présentèrent: Oxathrès et les nobles de sa suite, vêtus de leurs somptueux costumes traditionnels. Le roi avait voulu les avoir à
sa table car ils s'étaient distingués dans les assauts des villes rebelles.
Les Macédoniens les regardèrent prendre place sans pro noncer un mot avant de se lancer des coups d'oeil interdits. La voix d'Alexandre résonna alors dans ce silence embarrassant: a Nous avons capturé Bessos, mes amis, et nous avons occupé les villes rebelles gr‚ce à la rapidité extraordinaire du déta chement de Ptolémée, et avec l'aide de nos amis perses. Je dois à
présent vous annoncer une décision importante: demain, je licencierai la cavalerie alliée des vétérans thessaliens. Je ne garderai que les plus jeunes d'entre eux, ceux qui sont arrivés avec les derniers renforts.
--Tu veux licencier les Thessaliens ? demanda Cleitos avec stupéfaction.
Mais les Thessaliens nous ont sauvés de la défaite à Gaugamèle, l'aurais-tu oublié ? "
Le commandant des Thessaliens, que le roi avait à l'évi dence informé
personnellement de la situation, se garda de réagir.
" Je ne veux- pas les renvoyer, mais nombre d'entre eux sont fatigués, d'autres désirent rejoindre leurs familles après toutes ces années de guerre, d'autres encore n'ont pas envie de parti ciper à une expédition contre les Scythes.
-- Contre les Scythes? s'exclama Cratère. Nous allons affronter les Scythes ? Mais... personne n'a jamais pu les battre: Cyrus y a perdu la vie, l'armée de Darius a été anéan tie par leurs forces, on ignore leur nombre exact, le lieu o˘ ils se trouvent, et l'étendue de leur territoire.
Ce serait comme si l'on s'enfonçait dans... le néant.
--C'est possible, répliqua Alexandre d'une voix calme. De toute façon, c'est bien ce que j'entends découvrir.
-- Moi aussi ", dit Héphestion.
Cratère en resta là. Il s'attaqua à contrecoeur au rôti de mouton qu'on lui avait servi.
Tandis que les Perses bavardaient tout bas entre eux, enta mant le silence des autres invités, Cleitos reprit la parole: " Et comment comptes-tu remplacer les trois magnifiques
bataillons de la cavalerie thessalienne ?
--Par deux mille cavaliers perses qui ont suivi l'entraî
I nement des Macédoniens, répondit le roi d'une voix ferme en plantant son regard dans le sien. Ils seront bientôt là. Je les ai appelés les Successeurs. "
A ces mots, les yeux du Noir se remplirent de colèrei il se leva et dit:
" Alors tu n'as plus besoin de nous ", me semble t-il.
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