Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
Puis il se drapa dans son manteau et se dirigea vers la porte.
" Arrête-toi, le Noir! Arrête-toi ! Ne me provoque pas, le Noir ! ", s'écria le roi.
Mais Cleitos s'en alla en lui tournant le dos. D'autres invités l'imitèrent: le commandant des Thessaliens, les chefs de~ bataillon Méléagre et Polysperchon, ainsi que tous les of ficiers qui commandaient la cavalerie des hétairoÔ.
" Vous voulez partir, vous aussi ? ", demanda Alexandre à~ ses arnis.
Séleucos, qui était le plus froid et le plus calme de tous, le~ plus cynique en apparence, répondit: " Ne te f‚che pas. Il n est rien arrivé
d'inquiétant. Nous sommes là, et nous avons juré de te suivre jusqu'au bout du monde. Les autres peuvent faire[ ce que bon leur semble, nous n'avons pas besoin d'eux.
-- Exact, I'approuva Léonnatos en abandonnant son airt perplexe. Et puis, ces Scythes sont comme-nous, faits de chair~ et d'os... je les ai vus, vous savez ? On les paie, à Athènes, pour faire régner l'ordre public. Ils se promènent avec des gourdins et des arcs, ils ne m'ont pas paru si terribles que ça. "
Ptolémée s'approcha et l'ébouriffa d'un geste rude. " Bravo I,éonnatos, tu as raison. Mais n'oublie pas qu'ils sont d'une autre étoffe. Cratère a dit la vérité: ils ont fait mordre la pous sière à Cyrus le Grand et fait ployer Darius Ier. Des armées entières ont pénétré sur leurs territoires immenses, o˘ elles ont disparu sans laisser de traces. "
Au moment des adieux, Alexandre couvrit les Thessaliens de présents et leur attribua, comme aux autres vétérans, un salaire destiné à couvrir les dépenses du voyage de retour. Ces attentions adoucirent le ressentiment qu'ils éprouvaient à son égard. Elles suscitèrent même de l'émotion chez bon nombr~ d'entre eux. Un vétéran qui avait participé à toutes les batailles, du Granique à Artacoana, lui dit simplement: " J'ai appris que tu aligneras des barbares aux côtés de tes troupe~ et que tu les admettras parmi les officiers de ton haut com mandement. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un bon choix, et pourtant chaque fois que nous avons grommelé et récriminé face à certaines de tes décisions, qui nous semblaient folles ou insensées, la suite des événements nous a toujours montré que tu avais raison.
" Nous avons envie de serrer nos familles dans nos bras, de revoir nos villes et nos villages, et l'idée de poursuivre les Scythes dans une prairie sans fin o˘ il ne pousse ni un pied d'olivier ni une vigne, et ne se dresse pas une seule maison en cent jours de marche, ne nous disait franchement rien. Pourtant, et je parle ici au nom de tous mes camarades, nous regrettons de te quitter, sire. Nous perdrons le sommeil en t'imaginant dans cette lande déserte, entouré de barbares, mais rien, je le crains, ne peut changer ton destin. Combattre à tes côtés a constitué pour nous une expérience magnifique. Prends soin de toi, Alexandre. "
Le roi les passa en revue, monté sur Bucéphale. Il sourit ou lança un salut à chacun d'entre eux, il serra la main de ceux qu'il reconnut, ou dont il se rappela les prouesses surle champ de bataille. Et il pleura vraiment en les voyant se mettre en route en rangées de huit tandis que le soleil incendiait l'hori zon.
Le lendemain, les premières avant-gardes des cavaliers perses arrivèrent.
Elles avaient été entraînées à l'arrière selon les techniques de combat macédoniennes, et équipées du même armement que les soldats d'Alexandre.
Ces hommes s'en distinguaient toutefois par leurs moustaches épaisses et leurs coiffures élaborées, ainsi que par l'usage du pantalon. En outre, ils approchaient le roi avec le cérémonial en usage auprès de Darius: en inclinant le buste et en lui envoyant un baiser. Les Macédoniens et les Grecs donnaient à ce rite le
nom de proskynèse et le jugeaient barbare, digne des esclaves. Mais Alexandre l'accepta, montrant ainsi qu'il se considérait désormais comme le successeur légitime des empereurs aché ménides.
Au-delà de Cyropolis coulait le grand fleuve Iaxartes, qui constituait la limite nord de l'avancée perse. Alexandre y par vint en une journée de marche, et planta son camp sur ses rives. Des rangs fournis de cavaliers scythes surgirent aussitôt de l'autre côté. Ils portaient des armes et des vêtements somp tueux, défiaient leurs adversaires par des gestes et des cris, tiraient même des flèches vers eux.
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