Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
Pythagore, ainsi qu'un poème de Pindare.
--C'est vrai, et il est probable que les idées de Pythagore lui aient été
inspirées par l'Inde.
--Comment as-tu su tout cela ?
--De la bouche même de Calanos: il a appris le grec en moins d'un mois.
--En moins d'un mois ! Comment est-ce possible ?
-- C'est possible. C'est arrivé. Mais je ne saurais t'en livrer l'explication. quoi qu'il en soit, continua Aristandre, il parve nait à
communiquer avec moi avant même de savoir le grec. J'entendais sa pensée résonner dans mon esprit. "
Le regard d'Alexandre erra sur les flots qui caressaient le flanc du navire, puis sur l'immense étendue du fleuve, sur le grand nombre de navires dans son vaste courant. Pyrrhon s'était éloigné: assis à l'arrière, sur un rouleau de cordes, il remplissait à présent de caractères une tablette posée sur ses genoux. Le roi se rapprocha du devin et lui demanda: " Lui as-tu parlé de ton cauchemar ?
--Non.
--T'arrive-t-il encore de le faire ?
--Non, je ne l'ai plus fait depuis que Calanos a pénétré dans le camp.
--Et sais-tu pour quelle raison il est venu ?
-- Pour faire ta connaissance. Et pour t'aider. Il savait depuis longtemps qu'un grand homme arriverait de l'Occident, et il avait décidé de le rencontrer. "
Alexandre hocha la tête puis se dirigea vers Calanos.
" que regardes-tu, K~lané ? l'interrogea-t-il.
--~ Tes yeux ", répondit le sage d'une voix étrange, aussi 970 ~Il£xANDRELBGRAND | LIISCONFI~;SDUMONDE 971
vibrante qu'un instrument de bronze. " Ils sont l'image de la ligne obscure qui traverse ton ‚me, une frontière entre la lumière et les ténèbres sur laquelle tu cours, comme sur la lame d'un rasoir. Mais c'est un exercice difficile, souvent dou loureux... "
Stupéfait, le roi répliqua: " Comment peux-tu regarder mes yeux si tu continues de fixer les flots devant toi, et comment peux-tu parler parfaitement ma langue sans que personne ne te l'ait apprise ?
--Je voyais tes yeux avant même de faire ta connaissance. quant à la langue, il n'y en a qu'une, sire. En parvenant à remonter aux origines de son ‚me et de sa propre nature, I'homme peut comprendre l'humanité entière et s'en faire comprendre.
--Pourquoi es-tu venu me trouver ?
--Pour poursuivre ma recherche.
--Et o˘ te conduit cette recherche ?
--A la paix.
--Mais je sème la guerre sur mon passage. C'est ce à quoi on m'a préparé depuis mon plus jeune ‚ge. .
--On t'a également préparé à la connaissance. Je vois l'ombre d'une grande sagesse au fond de tes yeux. La paix du monde est un bien suprême, et les biens suprêmes doivent d'abord passer par le feu et l'épée avant d'être concédés. Cela s'est déjà produit. Je veux t'aider à faire monter en toi la sagesse du grand souverain, de celui qui sera un jour le père de tous les peuples. Voilà pourquoi je suis venu te trouver.
--Tu es le bienvenu, Kala~é, mais ma route est tracée depuis le jour o˘
j'ai franchi la mer pour la première fois. Je ne sais si tu parviendras à
en détourner le cours.
--Ce fleuve va nous conduire dans le courant du grand père Indus, répliqua Calanos en tournant les yeux vers les eaux rapides. Si tu remontes à sa source, tu découvriras un petit ruisseau aux eaux limpides, mais si tu descends en aval, tu verras des centaines d'autres torrents mêler leurs eaux aux siennes, en changer la couleur et le cours, tu verras les cheve lures des arbres en lécher la surface, tu verras des poissons de toutes sortes, des serpents et des crocodiles surgir comme par enchantement et nager dans son courant, des oiseaux faire leur nid sur ses rives. Le fleuve qui s'étend à présent devant toi sera tout cela, et plus encore, au fur et à mesure qu'il descen dra vers l'Océan. Il se jettera alors dans l'eau éternelle, dans le sein universel qui entoure toutes les terres. Le grand Indus n'existera plus, mais il appartiendra au seul liquide vital qui redonne vie aux nuages et aux oiseaux, aux fleuves et aux lacs, aux arbres et aux fleurs... "
Calanos s'interrompit et replongea dans son silence impé nétrable.
C'est alors que Néarque s'approcha en lançant un regard inquiet au roi.
" qu'y a-t-il ? demanda Alexandre.
--Des rapides ", répondit-il.
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Néarque indiqua les eaux qui bouillonnaient dangereuse ment à environ dix stades de là. " Il nous faut accoster immé diatement, dit-il, et procéder à
une reconnaissance du trajet à partir de la rive, avant de nous y aventurer avec
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