Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
chosie et la Carmanie à la tête de la moitié de l'armée, pendant que je descendrai le fleuve avec toi. Nous verrons jusqu'o˘ il nous conduira: peut-être à
Alexandrie, s'il est vrai qu'il consti tue le début du Nil, ou jusqu'à
l'Océan.
--As-tu une idée du nombre d'embarcations nécessaires à transporter nos hommes ? "
Alexandre secoua la tête.
" Pas moins de mille.
--Millebateaux?
--Plus ou moins.
--Alors, mettons-nous au travail, l'exhorta Alexandre. Au plus vite !
-- Enfin ! s'exclama Néarque. Je suis sans doute le seul amiral au monde à avoir des cors aux pieds. "
C'est alors que l'attention du roi fut attirée par la silhouette mince de Roxane, qui galopait, cheveux au vent, sur un magnifique cheval blanc dans la prairie qui s'étendait le long du fleuve.
" N'est-elle pas merveilleuse ? dit Alexandre.
--Oui, répondit l'amiral. C'est la plus belle femme qu'un homme puisse imaginer. La seule femme au monde vérita blement digne de toi. "
Apercevant son époux, Roxane lança son cheval vers lui. Elle gravit la colline au galop puis, une fois devant Alexandre, se pencha et l'embrassa sur la bouche. Les soldats qui avaient suivi ses mouvements tout en marchant s'écrièrent: " Alala làÔ ! " Et le roi, encore pendu aux lèvres de sa femme, leva la main pour répondre gaiement à leur salut.
Néarque envoya un héraut à chaque détachement afin de rassembler les soldats qui étaient originaires de régions mari times: Grecs de la côte et des îles, Phéniciens, Chypriotes, Pontiques. Après quoi, il donna le signal de départ à la
ALEXANDRE LE GRAND j I LES CONFINS DU MONDE 969
construction des navires. Des centaines d'arbres furent abat tus et débités, puis les maîtres charpentiers entreprirent le pliage des bordages et l'assemblage des coques au moyen de tenons et de mortaises.
Le calcul de Néarque se révéla exact: mille bateaux de transport et quatre-vingts navires de trente rameurs s'ali gnèrent bientôt sur les rives de l'Hydaspe. La flotte put bientôt être lancée dans un vacarme d'applaudissements et de cris d'encouragement.
De nombreux habitants de la région s'étaient pressés le long du fleuve, en cette journée ensoleillée, pour assister à ce magnifique spectacle. Les hommes exultaient en songeant qu'ils laissaient derrière eux les jours les plus durs et les plus dramatiques de leur existence. En réalité, ils ignoraient ce qui les attendait, et les seules informations qu'ils possédaient au sujet des territoires qu'ils s'apprêtaient à traverser leur étaient transmises par les guides locaux, dont les connaissances géo graphiques se limitaient à des terres ou des cours d'eau s'éten dant à
trois ou quatre journées de marche ou de navigation de là, pas plus.
Néarque prit le commandement du navire le plus grand, qui lui servait de vaisseau amiral, sur lequel le roi et la reine s'étaient installés, puis il donna le signal du départ. Les rames furent plongées dans l'eau et le navire s'engagea dans le cou rant, suivi par les autres embarcations. quand toute la flotte fut à l'eau, les habitants de ces contrées purent assister à un spectacle impressionnant: les flots bouillonnaient sous l'ac tion des rames et la pression des proues, des milliers de ban nières et d'étendards claquaient dans le vent, les boucliers et les armures scintillaient par dizaines de milliers.
Parmi les philosophes qui étaient montés sur le bateau du roi se trouvait Pyrrhon d'…lis, que tout le monde tenait désormais en grande considération.
Le navire abritait aussi Aristandre, ainsi que le sage indien mystérieusement apparu dans le campement de Sangala. Il s'était assis à la proue, les jambes croisées, les bras posés sur les genoux, les yeux fixés devant lui, aussi immobile qu'une figure de proue.
" qu'as-tu appris à son sujet ? demanda le roi à Aristandre.
--Il s'appelle Kalan, ce qui correspond à Calanos en grec.
Son peuple le considère comme un grand sage, il est doté de capacités extraordinaires, qui lui viennent d'une longue pra tique de la méditation.
--Ces gens, intervint Pyrrhon, croient que les ‚mes de ceux qui n'ont pas agi avec justice passent d'un corps à l'autre après leur mort, jusqu'à ce qu'elles soient complètement puri fiées de la douleur et de la souffrance, comme le métal dans la forge. Alors seulement, elles se dissolvent dans une sorte de paix éternelle qu'ils appellent nirvana.
I --Cela me rappelle la pensée de
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