Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
s'assoupit, vaincue par la fatigue, mais elle continua de gémir dans son demi-sommeil, tourmentée par des pensées angoissantes.
Héphestion et Ptolémée entrèrent sous la tente au point du jour: à
l'évidence, ni l'un ni l'autre n'avaient fermé l'oeil de la nuit. " Comment va-t-il ? demandèrent-ils.
--Il a passé la nuit. C'est tout ce que je peux dire, répondit Philippe.
--S'il meurt, nous br˚lerons cette ville et tous ses habi 978 ALEXAND~I~ L~ G~;~ L~:S CONFINS DU MONDe ~
tants: ce sera le sacrifice funéraire en son honneurj dit Héphestion d'un air sombre.
--Attends, répliqua Philippe, la voix brisée par la fatigue. Il est encore vivant. "
Deux autres jours s'écoulèrent, mais les conditions du roi étaient loin de s'améliorer: elles s'aggravaient, au contraire laissant prévoir un funeste épilogue. La poitrine d Alexandré avait enflé en dépit du drainage que Philippe avait pratiqué, il avait une grosse fièvre, un teint terreux, des cernes noirs, et il respirait à grand-peine.
Ses compagnons se relayaient devant sa tente, soucieux de ne pas troubler son agonie, s'autorisant quelques heures de sommeil uniquement lorsqu'ils étaient épuisés. Le campe ment, d'habitude fort bruyant, était plongé dans un silence irréel, comme si le temps s'était arrêté.
Ce soir-là, alors que la fièvre montait encore et que le souf~e du roi paraissait encore plus gêné et doulo˘reux que les jours précédents, Philippe se leva brusquement et sortit.
" O˘ va-t-il ? demanda Léonnatos.
--Je ne sais pas, répondit Héphestion. Je ne sais rien. Je ne sais plus rien... "
Philippe traversa le camp tout en jetant un rapide coup d'oeil vers Aristandre qui continuait à immoler des victimes sur son autel fumant. Il atteignit bientôt un lieu o˘ se dressait un gigantesque banyan. Il s'immobilisa devant la silhouette squelettique de Calanos, plongé dans sa méditation.
<~ Réveille-toi ", lui dit-il brutalement.
Calanos ouvrit les yeux.
" Nos dieux et notre science sont impuissants. Sauve Alexandre, si tu e~
es capable. Autrement, va-t'en et ne reviens plus. "
Calanos se leva, léger et comme privé de poids. " O˘ est-il ? demanda-t-il.
--Sous sa tente. Viens ", répondit Philippe.
Calanos le suivit jusqu'au pavillon royal, éclairé par des lan ternes.
" …teignez tout, ordonna-t-il d'une voix ferme, une fois à l'intérieur.
Et laissez-nous seuls. "
Serviteurs et compagnons s'exécutèrent sur-le-champ. Alors Calanos s'assit sur ses talons derrière le lit et fixa du regard la tête d'Alexandre, se raidissant comme un bloc de pierre.
Il demeura ainsi le lendemain, le surlendemain et le jour suivant. A l'aube du quatrième jour, Philippe survint et écarta le rideau de l'entrée pour faire pénétrer un peu de lumière à l'intérieur de la tente. Tandis qu'il se lavait les mains dans une cuvette avant de changer le pansement du roi, une voix faible s'éleva dans son dos: " Philippe... "
Il se retourna brusquement: " Mon roi ! "
Sa fièvre avait diminué, sa respiration etait régulière, son coeur battait faiblement mais à un bon rythme. Il l'ausculta . le gargouillement sourd de son sang avait cessé. Il appela Leptine. " Avertis la reine. Dis-lui que le roi s'est réveillé. Et prépare sans tarder une tasse de bouillon, nous devons le nourrir: il est à bout de forces. " Leptine s'éloigna et Philippe se précipita à l'extérieur, o˘ Lysimaque et Héphestion patien taient. " Dites à vos amis que le roi s'est réveillé, leur lança t-il.
-- Comment va-t-il? demanda Héphestion d'une voix inquiète.
--Comment veux-tu qu'il aille? lui répondit le médecin. Comme un homme dont les côtes ont été transpercées par une énorme lame. "
Il retourna au chevet d'Alexandre. C'est à ce moment seule ment qu'il aperçut Calanos: il gisait sur le sol, aussi inerte et froid qu'un cadavre.
" Oh, grand Zeus ! s'écria Philippe. Grand Zeus ! "
Il ordonna à ses assistants de l'installer sous sa propre tente, de le réchauffer de toutes les façons possibles, et de le nourrir --de force si nécessaire. Entre-temps, Roxane était accourue aux côtés d'Alexandre, qu'elle examinait d'un air incrédule tandis que Leptine tentait de lui faire avaler un peu de bouillon en trempant un linge dans la gamelle et en le glissant dans sa bouche.
" que s'est-il passé ? demanda Alexandre dès qu'il aperçut son médecin.
--Des milliers de choses, mon roi, répondit Philippe. Mais tu es encore
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