Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
un troisième ! Alexandre tendit l'oreille et se redressa instinctivement, puis il talonna le bai de Sarmatie. Le cheval sortit, contourna la tente et se dirigea docilement vers l'armée rangée.
Le grondement lent et solennel rythmait le pas de parade du puissant destrier, et Alexandre eut grand-peine à retenir ses larmes en entendant l'air vibrer sous les coups du tambour de Chéronée.
Immobiles dans les rangs, les doigts serrés sur la hampe de leurs sarisses, les soldats virent avec stupéfaction leur roi mar cher avec une allure majestueuse, les passer en revue, le regard dur et ferme. quand il arrivait devant un nouveau déta chement, l'offlcier qui le commandait avançait d'un pas, dégainait son épée et criait: " Salut, sire ! " Et Alexandre lui répondait en hochant légèrement la tête.
Tandis que le roi parvenait au bout de la ligne, le " tonnerre de Chéronée " se tut. L'officier le plus ‚gé du premier rang des hétairoÔ
poussa son cheval vers lui et s'exclama: " A tes ordres, sire !
--Repos ", dit Alexandre.
Les trompettes sonnèrent, et Alexandre se dirigea vers sa tente en caracolant.
" Il est fou, murmurait entre ses dents Philippe, qui l'obser vait de loin. Il pourrait tomber à chaque secousse et...
ALEXANDRE LE GRAND ~ LES CONFINS DU MONDE
--Il ne tombera pas, répliqua Séleucos en abattant la main sur son épaule. Il ne tombera pas. "
Ptolémée ne pouvait détourner les yeux du souverain. " Voilà ce qu'il voulait faire. Maintenant tout le monde l'a vu, tout le monde sait qu'il est encore vivant et qu'il est guéri. "
Alexandre pénétra sous sa tente à cheval. Ses amis le déta chèrent et l'aidèrent à mettre pied à terre, puis ils entreprirent de délacer son manteauj de dégrafer sa cuirasse et de lui ôter son épée.
" Mettez-le immédiatement au lit ", ordonna Philippe.
Mais Alexandre secoua la tête et se dirigea d'un pas encore chancelant vers son siège de camp, il s'y assit et posa les mains sur la table.
" J'ai faim, dit-il. L'un d'entre vous veut-il manger un mor ceau avec moi ? "
Tout le monde lui lança un regard abasourdi, et Léonnatos, qui ramenait le cheval dans son enclos, se figea sur le seuil de la tente.
" Leptine, s'écria le roi. Débarbouille-moi et apporte-moi le "gobelet de Nestor" !
--Le "gobelet de Nestor" ! répliqua Philippe. Tu as donc envie de mourir ? Cette nourriture te restera sur l'estomac, tu seras malade, tu vomiras, toutes tes blessures se rouvriront et...
-- Le "gobelet de Nestor" ", répéta Alexandre.
Les compagnons et le médecin l'observaient: il semblait ressuscité, transfiguré.
" C'est gr‚ce au son de ce tambour et à la vue de ses soldats, murmura Cratère à l'oreille de Philippe. Laisse-le manger. Il ne lui arrivera rien, tu verras. "
Leptine lui apporta le fameux " gobelet " et Alexandre sé mit à manger.
Seule la sueur qui perlait sur son front témoi gnait de sa fatigue.
Philippe l'examinait d'un air stupéfait en bougeant les m‚choires comme s'il voulait l'aider à mastiquer. Debout autour de la table, les compagnons assistèrent avec incrédulité à l'événement.
Enfin, Alexandre se nettoya la bouche et leva les yeux vers ses amis.
" qu'y a-t-il ? dit-il. Vous ne m'avez jamais vu manger ? "
Un mois plus tard, le roi était complètement rétabli. Il recommença à
courir, à monter à cheval et à s'entraîner à la lutte avec Léonnatos. A la fin de 1 été, il ordonna qu'on lève le camp et qu'on s'embarque.
L'armée descendit le fleuve et, au bout de deux jours, attei gnit les confins d'une région appelée Sindh. Alexandre demanda à Néarque d'accoster.
C'était là, disaient les guides, que débutait la piste menant au passage montagneux qui conduisait à Alexandrie d'Arachosie.
Le souverain convoqua ses compagnons pour le dîner et leur montra la carte que les of ficiers de marche avaient établie avec l'aide des guides indigènes, aussi bien perses qu'indiens. Puis il se tourna vers Cratère: c~ Tu partiras demain avec la moitié de l'armée, tu traverse ras l'Arachosie et la Drangiane, et tu rétabliras l'ordre partout o˘ tu trouveras rébellion ou indiscipline. Les marins indiens nous ont appris que l'Indus est un fleuve indépendant, qui se jette dans l'Océan à Pattala.
J'ai donc conçu le projet suivant: une fois à Pattala, Néarque et Onésicrite longeront avec la flotte la côte sud de l'empire; pour ma part, je continuerai la route par voie terrestre avec le reste de
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