Alias Caracalla
Sans doute avait-il besoin d’avoir auprès de lui le responsable de toutes ses liaisons. L’efficacité de sa mission en
dépendait à une époque où toute communication téléphonique
était interdite : j’étais en quelque sorte le « portable » de Moulin.
27 . On le constatait chaque fois que des courriers ou des secrétaires étaient arrêtés : il fallait plusieurs jours pour renouer les
liens. Certes, des rendez-vous de « repêchage » étaient prévus,
mais ce serait attribuer rétrospectivement à l’activité clandestine
une efficacité qu’elle n’avait nullement que de croire à la perfection de son fonctionnement. De ce point de vue, certains documents et plus encore les « souvenirs » peuvent donner l’illusion
d’une machine strictement réglée. C’est oublier les conditions
précaires de notre activité : nous tentions de tenir en échec la
police de Vichy et la Gestapo, qui possédaient, l’une et l’autre, des
instruments efficaces d’investigation et de répression. Les cent
mille résistants arrêtés sur trois cent mille homologués prouvent
la fragilité de notre organisation.
28 . Jacques Soulas.
29 . Laure Diebold.
30 . Devant * Rex, je n’osais pas dire les Boches.
31 . Raymond Fassin.
32 . Dans ses Mémoires, Maurice de Cheveigné écrit que nous
avons vu Antigone . Je garde pour ma part un souvenir vivace du Phèdre de Racine. De plus, s’il s’agissait d’ Antigone , ce ne pouvait
être la pièce de Jean Anouilh, puisque, bien qu’écrite en 1942, elle
ne fut créée qu’en 1944. Est-ce la tragédie de Sophocle ? Je ne
l’imagine pas interpétée par la Comédie-Française pendant la
guerre. Et s’il s’agit de La Thébaïde de Racine, pourquoi s’en
souvient-il comme d’ Antigone ?
33 . Jean-Pierre Lévy.
34 . Bureau d’information et de presse.
35 . Tandis que Jean Moulin me donnait ses instructions pour
organiser une nouvelle réunion avec les chefs des mouvements,
Georges Bidault rédigea rapidement sur un bloc de papier un
télégramme pour Londres que je devais remettre à Gérard Brault
après dîner : « Charvet et Bernard demandent venir ensemble à
Londres en vue conclusion nouveau statut mouvement résistance.
[…] Impossible maintenir statu quo — Inconvénient particulièrement éclatant — Querelles dans les emplois, gaspillage hommes
et ressources, découragement et surtout abstention d’excellents
éléments qui ne comprennent pas à quoi correspondent division
des efforts et rivalités des organismes. Non seulement loyauté
mouvements résistance pour de Gaulle indiscutable […] mais
force et existence même de ces mouvements dépendent d’abord
clarté et fermeté de leur allégeance à de Gaulle. Résistance viable
en France que dans discipline gaulliste. Tout mouvement qui tenterait éluder cette existence serait aussitôt éliminé. » Moulin
poursuivit ses consultations les jours suivants, et, le 18 août, je
codai trois câbles pour Philip, dont le suivant de Moulin : « Ne
crois pas opportun création comité directeur mouvements raison
sécurité, efficacité. Est indispensable pour moi être en rapport
constant et direct avec chacun des chefs mouvements […]. À la
suite des tractations, câble commun vous a été transmis pour
départ simultané Bernard et Nef [ * Charvet]. […] Quoi qu’il en soit
faire confiance à esprit de collaboration sincère Liber [Libération]
et Lifra [Combat]. Nef malgré erreurs commises, de bonne foi,
loyauté et dévouement absolu […]. »
36 . Je fus si effrayé par la véhémence de ce monologue qu’il est
resté gravé, presque mot à mot, dans ma mémoire. Je n’ignore
pas que les mémorialistes ont toujours cette croyance naïve. C’est
vrai pour les dialogues que je reconstitue tels qu’ils me viennent
et dont je suis sûr du sens général, mais naturellement pas du
mot à mot. Mais il y a souvent une phrase dont je ne doute pas
— même si je peux me tromper — que ce sont les mots mêmes
qui ont été prononcés. C’est le cas ici pour la dernière (cf. aussi infra , pp. 704 et 888).
37 . Depuis lors, cependant, nos relations changèrent, même si,
dans le cadre de mon travail, la hiérarchie et son exigence de perfection ne furent pas modifiées.
X
LA RÉSISTANCE DES CHEFS
18 août-28 septembre 1942
Mardi 18 août 1942
Courrier n o 10
Ce matin, *Rex me confie
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