Alias Caracalla
auprès de *Rex des causes de ce
désordre. Il l’ignore et me demande d’enquêter afin
de lui proposer des solutions. Comment se fait-il
qu’il n’a jamais eu de radio personnel, comme il me
l’apprend, alors que le BCRA en a attribué un à
Bidault, qui n’est pas le « grand chef », et à *Salm,
simple agent politique et qui l’utilise fort peu ? Mais
voici le pire : deux radios destinés, l’un à Fassin,
l’autre à Bidault, sont indisponibles —*Sif.W 3 et moi.
Fassin m’a expliqué que *Sif.W était déprimé et qu’il
avait demandé son retour en Angleterre. *Rex, afin
de conserver un agent de Londres qu’il apprécie, a
proposé au BCRA de l’utiliser comme officier de
liaison auprès de Franc-Tireur. Quant à moi, comme
on l’a vu, il m’a affecté à son secrétariat.
Je comprends une évidence : seul Gérard Brault,
le radio de Schmidt, a réussi à prendre contact avec
la Home Station britannique, et seul il écoule tout le
trafic du BCRA de la zone libre. Le 14 août, Londresa prescrit à Bidault, auteur des plus nombreux et
plus longs télégrammes, de réduire son trafic au profit
de celui des opérations aériennes ou maritimes, afin
de soulager Brault. Le service a en outre prescrit la
prise de contact de Jean Holley et moi-même…
Lorsque Bidault m’a communiqué ce télégramme
comminatoire, j’ai craint le pire : le capitaine
*Bienvenue doit être furieux contre moi parce qu’il
ignore les causes de mon silence. Le courrier de
*Rex, le justifiant, n’est pas encore parti.
Pour me remplacer auprès de Bidault, un opérateur radio dont j’ignore le nom, a bien été recruté
en France, mais la Home Station refuse de travailler
avec lui, parce qu’elle n’accepte que les opérateurs
formés en Angleterre aux procédures britanniques.
Quant à Holley, le radio de *Léo, il essaie sans
succès depuis des mois de prendre contact avec la Home Station .
*Rex, agacé par cette inexplicable défaillance, m’a
demandé de rencontrer *Léo afin d’y remédier. Bien
que je sorte de mon domaine — *Léo est un agent
politique —, je lui ai proposé un rendez-vous afin
de débloquer la situation. Maurice de Cheveigné,
un des meilleurs radios de la France libre, aurait pu
mettre fin au gâchis, mais notre rencontre fortuite
est un secret, et je ne peux en parler à personne,
surtout pas au patron. Il ferait pourtant un radio
idéal pour * Rex : par sa seule virtuosité, il serait
capable de remplacer plusieurs d’entre nous.
Pendant que je mène mon enquête, un événement
imprévu occupe tous les esprits : le débarquement,
dans la nuit, de soldats canadiens à Dieppe. Je suispersuadé qu’il s’agit de l’avant-garde de l’armée de
libération.
Lors de mon rendez-vous du matin avec *Rex,
j’exulte. Il douche aussitôt ma flamme : « Je ne crois
pas à une action d’envergure, mais plutôt à une tentative pour tâter les défenses allemandes et les tromper sur le véritable lieu du Débarquement futur. »
Le débarquement a duré neuf heures. Selon les
Allemands, « il a échoué, avec des pertes sanglantes
pour l’adversaire […] ; quatre mille cinq cents prisonniers ; trois torpilleurs, deux contre-torpilleurs
et deux transports coulés ; quatre-vingt-quinze avions
manquants et vingt-six chars ». *Rex ajoute, avant
de passer aux choses « sérieuses » : « Ne cultivez pas
vos déceptions. Rien ne changera avant plusieurs
mois : les Alliés ne sont pas prêts, la Résistance
encore moins. » Je n’ose lui demander pourquoi,
depuis le début de l’année, on évoque en Angleterre
l’imminence d’un second front et ne réponds rien.
Conséquence immédiate du débarquement de
Dieppe, Barthélemy, le ministre de la Justice de
Vichy, a fait approuver un projet de loi par lequel
seront punies « de la peine de mort les personnes
utilisant des appareils d’émission radio britannique
à des fins contraires à l’intérêt national ». Cela complique la prospection, déjà décevante, des lieux
d’émission et le recrutement d’opérateurs, dont je
suis chargé.
Selon les prescriptions de *Rex, je dois impérativement quitter les Moret. Depuis mon arrivée, j’ai
cherché en vain une chambre et désespère d’en trouver, lorsque la chance me sourit. Après les festivitésdu 15 août, M. Moret, toujours débrouillard, me montre une annonce pour une petite chambre, rue Sala.
Indépendante de l’appartement
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