Alias Caracalla

un nouveau rapport à
coder. Maintenant que je comprends mieux le fonctionnement de la Résistance, la tâche est moins
ingrate, et je suis stimulé par la curiosité.

    Ce courrier n o  10 me révèle nombre des problèmes essentiels que *Rex doit résoudre. Je remarque
avant tout qu’il règle ma situation auprès du BCRA :
« Ayant pour l’instant à la disposition de mon groupe
un nombre suffisant de radios, j’utilise personnellement BX10 pour le secrétariat. » Ouf ! Je suis couvert. Quant au reste, le rapport me surprend. Sa
mise en forme administrative filtre si bien les scories de l’humeur que la mésentente dont j’ai été le
témoin se trouve diluée dans une rhétorique optimiste. Contrairement à ce qu’il écrit, l’accord entre
les chefs n’est nullement acquis.

    Il m’apparaît que *Rex, ayant épuisé les arguments
et les procédures, feint d’avoir obtenu un accord,
alors qu’il espère que l’autorité du Général l’imposera. Grâce à ce détail, mon déchiffrage des mouvements est complet. J’ai compris que *Nef est le chef
de Combat ; il s’agit de la même personne que
*Charvet. Ce nom, qui revient souvent dans les rapports et dans la conversation de *Rex ou de Bidault,
m’intrigue depuis que ce dernier a mentionné les
rumeurs de fascisme qui courent sur son mouvement.

    « Je persiste à croire, écrit *Rex, dans la loyauté
et le dévouement de *Nef. Il a certes commis des
erreurs, notamment lors de ses contacts avec Pucheu.
Mais il a toujours agi de bonne foi. Il est même allé
au-delà des désirs des autres mouvements et des
miens propres, en prenant nommément parti dans
son journal contre LaLaurencie 1 . Son attitude est
parfaite à l’heure actuelle dans le cas deGiraud 2 . »
Pourquoi *Charvet a-t-il rencontré Pierre Pucheu, le
secrétaire d’État à l’Intérieur de Vichy, bourreau
des résistants ? *Rex ne le dit pas. Toutefois, il le
lave de toute accusation. J’en déduis qu’il s’agit d’une
calomnie propagée par la police afin de diviser les
résistants.

    Au fil des jours, *Charvet apparaît cependant
comme un trublion. Est-ce son caractère, ses opinions, l’esprit de Combat ou l’ensemble ? De
Libération, je ne connais que *Brun, avec qui les
rencontres sont cordiales, bien que sans résultat à
l’égard de mes demandes.

    Parmi les projets exposés par *Rex, l’un répond à
une question du BCRA et m’intéresse personnellement : l’organisation « de l’action révolutionnaire et
des cellules révolutionnaires ou professionnelles ».Il est d’accord sur les équipes spéciales, chargées
de faire de « l’action terroriste dès à présent de
façon très étudiée et dans un but de propagande ».
Pour une fois, les chefs de Combat et de Libération
approuvent.

    J’apprends l’existence à Libération de cellules, ou
sizaines professionnelles, composées le plus souvent
d’éléments syndicalistes actifs et sûrs. Elles sont destinées à maintenir l’esprit syndicaliste, agir comme
organe recruteur, faire acte de propagande et, le cas
échéant, participer à des opérations révolutionnaires de caractère militaire. D’où la nécessité d’orienter les militants vers deux organismes différents :
ceux menant une action politique et ceux jouant un
rôle militaire, comme occuper ou détruire l’intérieur
d’une centrale téléphonique ou d’une usine d’armement. Ceux-là seront versés dans une organisation
militaire et devront « se soumettre à la stricte discipline ». En conséquence, *Rex demande aux mouvements d’organiser ou de renforcer des équipes
spéciales d’action terroriste.

    Ce rapport me fait reprendre espoir en ma mission : *Rex voudra certainement contrôler ces groupes. J’espère que mes qualités d’instructeur et de
saboteur me rendront indispensable dans la préparation de ces opérations, peut-être même dans leur
commandement.

    Mercredi 19 août 1942

     

    Crise des transmissions radio

    À l’occasion de l’expédition et de la réception des
câbles de *Rex, je découvre le dysfonctionnement du
réseau radio  : il ne ressemble nullement à l’efficacité
imaginée lors de mon apprentissage en Angleterre.
Personne ne m’a expliqué l’organisation des liaisons
radio en France, ni la place que j’y occuperai, et
ce n’est qu’au dernier moment que le capitaine
*Bienvenue m’a révélé ma fonction et le nom de
code de mon chef.

    Je m’informe