Alias Caracalla
Américains ? »
Je suis révolté par le camouflet infligé à de Gaulle,
et plus encore par la trahison de l’armée d’armistice,
qui tire sur nos alliés. Moi qui d’ordinaire n’ose pas
intervenir devant * Rex et Bidault, aujourd’hui, pour
la première fois, j’exhale ma haine de Pétain : « Oui,
vraiment, dès le premier jour j’ai eu raison : c’est un
vieux con ! » Même s’ils ne se récrient pas en entendant mes propos au fer rouge, je sens qu’ils ne partagent nullement mes foucades. Heureusement, l’heureest à l’indulgence à mon égard. De mon côté, je suis
prêt aux pires imprudences de langage tant je suis
sûr d’exprimer le sentiment de mes camarades
d’Angleterre.
*Rex tente de comprendre l’imbroglio de la situation. Il est soucieux d’élaborer une stratégie pour
renforcer la cohésion de la Résistance et assurer
l’autorité de De Gaulle — seul gouvernement légitime de la France, selon lui — à l’égard des Alliés et
sur les chefs des mouvements. Quant à l’Armée
secrète, elle est sans organisation, sans armes, sans
chefs : « Voilà le résultat de leurs palabres ! »
Devant Bidault, * Rex développe le postulat de sa
politique, but de cette rencontre inhabituelle. Si le
Général est l’honneur militaire de la France, il est
aussi le seul espoir de la démocratie. Roosevelt manifeste son ignorance de la situation européenne en
soutenant Darlan et Pétain, tandis qu’il évince le
Général, qui en est le champion depuis 1940.
« Quel aveuglement ! » s’exclame * Rex. Bidault
acquiesce : « J’espère que * Bernard [d’Astier] et
*Charvet [Frenay] auront enfin compris.
— Je l’espère aussi, mais j’en doute. Ils sont
obnubilés par leur promotion personnelle. »
Pour * Rex, le débarquement en Afrique du Nord a
révélé publiquement le vrai problème que de Gaulle
doit affronter face aux Alliés : celui de sa légitimité
à représenter la France, et non une poignée de patriotes courageux. Dans ce domaine, la caution des
mouvements, si tant est qu’elle existe, face à un
Giraud ou à un Darlan est nulle.
« J’ai réfléchi cette nuit : il faut voir les choses
comme elles sont. Les Alliés ont la plus grande
méfiance à l’égard des mouvements. Dans le meilleur
des cas, ils les jugent inefficaces et squelettiques.Aujourd’hui, ce dont le Général a besoin c’est du
soutien de représentants de la nation. »
*Rex a préparé un message affirmant la légitimité
du Général. Les parlementaires, même s’ils se sont
déshonorés à Vichy, peuvent se révéler utiles : « Il
est urgent de prouver aux Alliés qu’ils commettent
une faute en négociant avec des suppôts de Vichy.
Je veux les convaincre de l’allégeance des vrais
républicains au Général. Celle de Léon Blum n’est
pas la moindre. »
Bidault manifeste une certaine réticence : « Ne
craignez-vous pas de remettre en selle des formations
et des hommes déconsidérés depuis l’armistice ? Le
silence des radicaux, de l’Alliance démocratique, de
la Fédération républicaine et d’autres est assourdissant, vous le savez mieux que moi.
— Vous connaissez ma condamnation sans appel
de l’attitude des parlementaires. Aujourd’hui, il s’agit
d’une opération de sauvetage : tout est bon pour
sauver la liberté. Les gouvernants du monde entier
ne connaissent de la France que quelques étiquettes
de partis et quelques vedettes : Blum, Herriot, Marin,
Reynaud, etc. Ils sont plus représentatifs à leurs
yeux que le Général, fût-il un héros de la liberté. La
signature que je réclame n’engage l’avenir d’aucune
manière. Il appartiendra aux Français, à la Libération,
de désigner les nouveaux partis et les hommes de la
Résistance qui les représenteront.
— Sans doute avez-vous raison, mais, à la faveur
de l’opération que vous tentez, les partis vont certainement monnayer leur caution.
— C’est pourquoi le message doit être envoyé
sans le moindre délai. »
Il a choisi six anciens partis : communiste, socialiste, radical, démocrate populaire, Alliance démocratique (Reynaud) et Fédération républicaine
(Marin).
« Pour les démocrates populaires, je vous soumettrai le texte. N’êtes-vous pas leur représentant le
plus respectable ?
— Trop aimable.
— Je rencontrerai Paul Bastid pour le Parti radical. Ce dernier a une liaison avec Laniel, représentant de
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