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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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autre
chose.

    Mercredi 11 Novembre 1942

     

    *Rex compagnon de la Libération

    La journée commence sous les meilleurs auspices.
J’ai reçu plusieurs télégrammes, dont l’un concerne
*Rex :

Êtes compagnon Libération, je dis compagnon
Libération — amicales félicitations de tous.

    En le déchiffrant, j’éprouve un sentiment de fierté,
comme si cette distinction me concernait. En quelques mois, * Rex a forcé mon admiration. Il est devenu
un être mythique, tout en faisant partie de mon
intimité. En dépit de son autorité catégorique, sa
gentillesse et son humour y sont pour beaucoup.
J’envie son assurance, sa présence et plus encore
l’intelligence avec laquelle il débrouille les problèmes politiques les plus inextricables. J’admire aussi
la patience et la ténacité avec lesquelles il surmonte
les obstacles.

    Sans doute m’intimide-t-il encore, puisqu’il est le
patron, mais cela ne m’empêche pas d’évoquer avec
lui de plus en plus souvent maint sujet dont je suis
curieux. Je ne prétends pas qu’il existe une intimité
entre nous, mais je ne crains plus de lui parler d’autre
chose que de mon travail. La distinction que la France
libre lui attribue est la confirmation glorieuse de mon
opinion sur lui. Elle prouve que de Gaulle a reconnu,
lui aussi, les mérites dont je suis le témoin.

    Je n’ai jamais rencontré de « compagnon » en chair
et en os. * Rex est le premier. Comment lui manifester ma fierté ? Bien qu’il soit d’une courtoisie sans
faille, la hiérarchie marque entre nous une frontière
invisible. Cette distinction l’éloigne plus encore : il
est tout, je ne suis rien. Sous le secret des pseudonymes ( * Rex, * Régis, * Max), il n’est pas seulement le
patron auquel j’obéis, mais le modèle à qui je souhaiterais ressembler.

    Depuis le premier jour, ne sachant quel titre lui
donner, je n’en prononce aucun. Il m’est impossible
d’utiliser ses pseudonymes sous forme de prénoms,
car une telle familiarité me paraîtrait inconvenante
à son endroit. Je souhaite cependant marquer ce
grand jour d’un souvenir, afin de lui prouver mon
attachement.

    À 7 heures du matin, les magasins sont fermés. Je
ne saurais d’ailleurs quoi choisir. Faute de meilleure
idée, j’entre dans la boulangerie-pâtisserie située au
bas de son immeuble ; la patronne me connaît. Je
me risque à lui demander des produits interdits :
un croissant et une brioche. Son visage se ferme,
soudain méfiant. Pour la décider, je murmure : « C’est
pour un anniversaire. » Après un silence de pierre,
elle répond évasivement : « Je vais interroger le
patron. » Elle revient avec les deux pâtisseries encore
chaudes, qu’elle a enveloppées dans un vieux journal.

    Heureux de la surprise que je prépare pour * Rex,
je grimpe allégrement les deux étages. N’osant révéler le contenu du télégramme avant qu’il en ait pris
lui-même connaissance, je le mets en évidence au-dessus de la liasse de papiers. Après l’avoir lu, il
murmure : « Il y a des choses plus urgentes à télégraphier en ce moment. Quand je pense qu’ils mettent en jeu la vie d’un radio pour ça ! »

    Décontenancé, j’enchaîne néanmoins par la phrase
que j’ai soigneusement ciselée : « Permettez-moi devous féliciter de tout mon cœur pour ce grand honneur que vous méritez tant. » Je suis si ému que je
bafouille en lui offrant croissant et brioche. Il lève
la tête avec surprise devant cette modeste attention
et m’observe. Son regard a changé. Je comprends
que sa réaction bourrue masque l’intense émotion
qu’il refuse d’avouer.

    Sans répondre, il enchaîne la lecture des autres
télégrammes. L’un d’eux annonce que, grâce à la
présence de Frenay et d’Astier de la Vigerie à Londres,
l’organisation de la Résistance progresse : le général
Delestraint est nommé commandant en chef de
l’armée secrète de laZNO 4 . En outre, un Comité de
coordination y est créé, composé des chefs des trois
mouvements sous la présidence de * Rex.

    Sa désignation à ce poste éminent prouve que le
patron a, dans la France libre, une position plus
solide que je ne l’ai cru : la création du Comité transforme son autorité en pouvoir. C’est à l’intérieur
d’une institution qu’il exercera dorénavant son arbitrage : deux voix contre une à chacun des chefs lui
permettront de maîtriser les affrontements de ces
derniers. C’est

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