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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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pris
aucun rendez-vous cet après-midi. Comme * Rex me
l’a prescrit, je m’éloigne du centre et me rends rue
Philippeville, où je trouve Mme Moret soucieuse :
les chefs du Deuxième Bureau viennent de quitter
la France, laissant à Lyon une antenne légère sous
la direction du capitaine Courbeau, son chef.

    Que vont devenir, sans aucune protection, les
Alsaciens-Lorrains avec les Allemands à leurs trousses ? Elle rapporte les bruits circulant à Vichy :
Weygand et quelques officiers ont supplié Pétain de
partir. Une fois de plus, il a refusé parce qu’il s’entête
à « partager le malheur des Français ». Elle s’indigne que les calomniateurs prétendent qu’il ait peur
de monter en avion.

    En dépit de l’ultime trahison de Pétain, elle continue d’admirer son « sacrifice ». Comme tous les
pétainistes, elle répond d’avance à mes critiques :
« Que voulez-vous qu’il fasse ? Il est si vieux. Ce
n’est pas facile de protéger les Français. Il fait ce
qu’il peut. Tant qu’il sera là, nous ne serons pas
abandonnés au bon plaisir des Boches. D’ailleurs,
vous voyez bien qu’il a eu raison de signer l’armistice puisque l’Afrique du Nord est libre et que l’armée
française reprend le combat interrompu. »

    Depuis le malheureux dîner du mois d’août, j’évite
de répondre : à quoi bon faire souffrir les êtres
qu’on aime ? De surcroît, depuis notre rencontre,
elle manifeste avec modestie un courage intraitable.
Je profite de ma visite pour la sonder sur le problème qui me hante : le recrutement de personnel.
« Vous savez, me dit-elle d’un air las, ils sont tous
pour la liberté, mais aucun ne veut prendre de risque
pour la conquérir ! Ce n’est pas le jour de l’entrée
des Allemands à Lyon qu’ils vont commencer. »

    Cette pique innocente me fournit l’occasion de
sceller affectueusement notre complicité. Suzette,
qui s’est jointe à nous à la fin de la conversation,
m’annonce qu’elle connaît parmi ses camarades parisiens un étudiant en médecine qui pourrait peut-être
travailler avec nous. Il s’appelle Jean-Louis Théobald.

    Jeudi 12 novembre 1942

     

    Nouvelles d’un revenant

    *Germain m’apporte une lettre de François Briant.
Depuis son départ de Lyon, ma solitude est habitée
par Maurice de Cheveigné. Mais je ne peux oublier
ma complicité avec Briant, dont l’amitié est d’une
autre nature : c’est un camarade de juin 1940 ; nous
avons partagé l’exil durant deux ans ; effectué de
bout en bout notre entraînement côte à côte.

    Notre proximité ne s’est jamais démentie, en dépit
de nos différences ou même de nos oppositions sur
des points de doctrine. Peut-être est-ce mon dernier
« ami d’enfance », maintenant que la coupure denotre mission a transformé notre exil londonien en
passé.

    Écrite la veille de Clermont-Ferrand, sa lettre me
procure une joie sanspareille 8  :

Mon cher Dany,

    Un funeste début de journée ! J’ai été réveillé
ce matin par des commandements allemands,
juste sous ma fenêtre, de plusieurs camionnettes
militaires qui se vidaient de leurs occupants.
Cela m’a donné un grand froid, ce qui n’est pas
pour réchauffer la température : cette ville est une
glacière. Ne crois pas pour autant que j’y vive à
l’état larvé. Ce serait indigne de moi. Je m’entretiens honorablement. Je déplore seulement qu’à
Lyon tu n’aies pas les mêmes facilités. Puisse ta
santé ne pas s’en ressentir.

    Depuis longtemps je me demandais si jamaisje pourrais t’écrire et avoir de tes nouvelles. Aussi
te dire ma joie de ta carte du mois dernier, fortement atténuée, il est vrai, par la sombre nouvelle
que tu m’annonçais. Pauvre Orabonna 9   ! Pendant plusieurs jours j’en ai été obsédé. Avoir tant
rêvé d’un retour et songer que son premier contact
avec la terre de France aura été un contact de
mort. C’est vraiment cruel. Et quelle mort ! Isolé,
sans amis et peut-être sans avoir repris connaissance. Tu as sans doute entendu parler de la
conduite odieuse du maire du village où il a été
enterré : la coupe jusqu’à la lie ! Au moins repose-t-il en terre de chez nous. Il n’est pas de meilleure
méditation sur la mort que sur celle de ses amis.

    Et toi, que deviens-tu ? On me dit que tu es
très occupé ! J’ai appris tes déboires cyclistes. Tu
reviens cher, dis donc. Lis-tu un peu ? Et le fruit
de tes observations et

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