Alias Caracalla
BBC
pour avertir du parachutage : « La lettre morse du
balisage sera P, je dis P. »
Si tout se passe bien, * Rex aura le câble demain
midi, et les Anglais pourront effectuer les parachutages le soir même. Comme je suis arrivé trop tard
rue des Augustins pour ressortir avant le couvre-feu,
je me jette tout habillé sur un des lits de l’appartement après avoir codé les câbles.
Samedi 13 mars 1943
Cas de conscience
À 5 heures, le réveil de Montaut me fait sursauter.
Je passe rue Sala pour me débarbouiller et prendre
l’argent puis cours rejoindre * Germain.
Afin de mettre en route la procédure avec Londres,
je dois rencontrer Fassin ou Schmidt. Sont-ils à
Lyon ? La période de lune étant commencée, il y a
peu de chance qu’ils s’y trouvent. À tout hasard, je
leur fixe rendez-vous pour demain soir.
Que faire puisque le retour de * Rex est programmé
pour les jours suivants ? Quelles bornes y a-t-il à
mes initiatives ? Si l’opération du patron se déroule
en temps voulu, il doit attendre son départ sur un
aérodrome éloigné de Londres. Mes télégrammes
le joindront-ils ? Serait-ce un drame de reporter les
parachutages à la prochaine lune ? Le temps perdu
ne risque-t-il pas d’être fatal aux réfractaires ?
Je suis déchiré. Je refuse l’argument des résistants :
je ne remplace pas * Rex, j’assure la liaison avec lui,
nuance ! Et je suis bien conscient que Copeau et les
autres tentent de m’influencer. Mais puis-je leur
donner tort ? J’ai l’âge des réfractaires. Si j’étais
demeuré en France, j’aurais certainement rejoint le
maquis moi aussi. Farge a raison : tous ces jeunes
sont mes frères dans le malheur, et c’est mon devoir
de les aider, de les sauver.
En dépit de mon empathie, je ne peux toutefois
oublier que j’obéis à * Rex. Au terme de mes hésitations, je tranche pourtant en faveur des réfractaires.
Quelles qu’en soient les conséquences, je décide de
les financer à la mesure de « mes » moyens.
Pour obtenir les faux tampons, je griffonne un
billet que je cours mettre immédiatement dans la
boîte du service des faux papiers, non loin de la place
des Terreaux. Je réclame de me livrer tout le stock
disponible de faux tampons et de cartes d’alimentation.
Quant à l’argent, je décide de passer aux actes et
de verser à Farge, quelles qu’en soient les conséquences, 1 250 000 francs sur ma réserve.
Dimanche 14 mars 1943
Entracte financier
Tandis que les transmissions radio connaissent
une embellie, mes relations avec les chefs se détériorent. Chaque jour, ils se font plus pressants. Heureusement, * Rex m’adresse deux télégrammes avec
de nouvelles instructions. Il a révisé, enfin, sa politique et m’autorise à distribuer à d’Astier de La Vigerie
et à Henri Frenay 1 million de francs chacun pour
les réfractaires.
Bien que j’exécute les ordres du patron avec soulagement, je suis pris d’une nouvelle inquiétude : cette
somme va vider la caisse d’un coup ; * Rex l’a-t-il
oublié ?
Lorsque je remets son million à Frenay, celui-ci,
loin de me remercier, éructe : « Je vous ai dit quevotre conduite était scandaleuse. Vous en paierez
les conséquences ! » Me fixant droit dans les yeux,
il ajoute : « Quel est votre grade ? » Je suis interloqué. À l’exception du général Delestraint, personne,
même pas * Rex, ne m’a posé cette question, taboue
dans la Résistance. Après une courte hésitation,
car je perçois une menace, je réponds : « Sous-lieutenant. » Il ne fait aucun commentaire, mais je
comprends : il nourrit un dossier.
Peut-être croit-il que ses menaces m’ont intimidé.
J’ignore ce qui s’est passé à Londres, mais, connaissant un peu les coulisses, je suis persuadé qu’il y a
une bonne raison à la lenteur du déblocage des fonds.
Lundi 15 mars 1943
La police au rendez-vous
La Résistance fonctionne grâce à deux éléments
alternatifs : l’imprudence corrigée par le miracle.
Aujourd’hui, c’est le miracle.
À 10 heures, ce matin, le service des faux papiers
livre à * Germain un gros paquet de tampons et de
fausses cartes d’alimentation. J’y joins les liasses de
billets promises et fourre le tout dans la poche intérieure de mon imperméable.
Cheveigné, à qui j’apporte les télégrammes de
Bidault, se moque de moi : « Tu as l’air en cloque ! »
Ça ne me fait pas rire, car
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