Alias Caracalla
Frédéric et de ses considérations
fumeuses. À travers ce que Kaan me confie, tout
devient limpide.
Curieusement, les solutions qu’il propose en vuede créer un mouvement unifié relié à la France
libre et fondé sur la doctrine du général de Gaulle
sont analogues à celles suggérées par Georges Bidault
ou François de Menthon : utopiques ?
L’après-midi, je m’active aux derniers préparatifs.
Je veux que Suzette parte la première, puisqu’elle
est la seule Parisienne. Je la presse amicalement, car
je compte sur elle pour nous loger, trouver des boîtes, peut-être du personnel, bref, continuer à Paris ce
qu’elle et ses parents font pour moi à Lyon depuis
mon arrivée.
« Je ne promets rien. Voyez Théobald : il peut
vous aider lui aussi. »
Lorsque je rencontre ce dernier, il me dit :
« Quelqu’un peut vous être utile tout de suite, ma
tante Scholtz, qui possède un magasin place de
la Trinité. Je lui ai demandé de vous aider par tous
les moyens. »
Je finis la journée au bureau pour examiner avec
*Mado les archives dont j’aurai besoin à Paris. Ce
sont essentiellement les instructions et télégrammes
de Londres et les rapports de * Rex.
*Mado, dont je n’attends rien pour les logements,
me révèle qu’elle a des parents à L’Haÿ-les-Roses,
en banlieue, qui pourraient l’héberger et peut-être
même lui permettre d’y travailler. C’est loin de
Paris, mais elle m’assure qu’elle se débrouillera.
Je revois * Germain pour organiser l’acheminement des archives et de mon revolver. Je lui recommande d’emmener Archimbaud et Girard. Je revois
également * Grammont pour lui expliquer que, si je ne
lui donne pas l’appartement de la rue des Augustins,c’est parce qu’il sera utilisé par André Montaut et
les courriers de Paris, parfois aussi par moi-même, si
je suis obligé de dormir à Lyon. Cela fait beaucoup
de monde, et d’insécurité, et nous ne devons pas
multiplier les risques.
Je rencontre ensuite Cheveigné, auprès de qui je
renouvelle mon inquiétude d’être sans radio à Paris.
Je lui répète que j’espère obtenir d’Ayral qu’il fasse
acheminer mes câbles par Briant. « Mais ça prendra quelques jours, lui dis-je. En attendant, pourras-tu expédier les télégrammes que je t’adresserai de
Paris ?
— Si tes courriers sont ponctuels, les télégrammes pourront passer avec un jour de retard. On a
connu pire ! »
Rassuré, je lui demande : « Ne connais-tu pas
quelqu’un que tu pourrais former et m’envoyer là-bas ?
— Si, il y a un gars à qui j’ai appris les procédures britanniques. C’est un radio de la marine. Il peut
partir dans quelques jours. Il s’appelle Fernand
Baudry, alias * Tamar. Pour ce qui concerne le matériel, je lui donnerai un des postes qui sont arrivés,
mais il faudra régler le problème des cristaux. Je
crains qu’avec ceux réglés pour la zone sud, il
n’obtienne pas le contact avec la Home Station .
Demandes-en à Londres en spécifiant “pour
Paris”. »
Son optimisme est communicatif : pour moi, le
problème de la radio est résolu.
Dans la soirée, je reçois copie d’un long télégramme
envoyé à de Gaulle par Robert Lacoste. Je suis particulièrement intéressé par les indications de ce
représentant objectif.
Au-delà de l’enthousiasme factuel des hommes
des mouvements, il rend compte de la réalité :
1. Groupes réfugiés dans les montagnes assez
dispersés mais ne se rendent pas. Maintiennent
leur refus se rendre en Allemagne. Support populaire excellent. Désappointement causé par
l’absence d’opérations militaires britanniques sur
le sol français .
Heureusement, les garçons qui ont renoncé à partir en Allemagne semblent déterminés :
3. Les hommes laissés sont endurcis et décidés
ayant appris par expérience, nécessité d’une
meilleure organisation de résistance (communication, mouvements, etc.) maintenant pleinement
appréciée et prise en main .
Enfin, j’ai une information précise sur les parachutages que j’ai réclamés à Londres : après deux
premiers échecs, le télégramme annonce qu’« une
nouvelle opération a réussi » : enfin !
Mardi 23 mars 1943
Après un mois : le choc
J’ai choisi Chez Georges pour le dîner en compagnie de Bidault et * Rex : je l’ai dit, son immensité en
fait à nos yeux le restaurant le plus sûr de Lyon.
Près des tables du fond, il n’y a jamais
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