Alias Caracalla
personne.
*Rex se montre soucieux de ces conversations dans
des lieux publics, dont un mot saisi au vol par un
voisin mal intentionné peut conduire au désastre.
Surtout, comme dans tous les restaurants de * Rex,
il n’y a aucun résistant.
Arrivé cinq minutes avant l’heure, j’ai le temps
d’observer la clientèle, qui s’augmente durant les
vacances d’une flopée d’enfants.
Bidault est le premier. Je lui raconte mon départ
à Paris quand * Rex arrive à son tour. Il a son visage
des mauvais jours. Comme à l’habitude, nous choisissons notre dîner afin de nous débarrasser du serveur. Dès qu’il est hors de vue * Rex explose : « Quel
énergumène : il est complètement obtus ! »
Bidault semble amusé par sa violence contenue :
« Vous parlez de * Charvet, je suppose. »
*Rex nous raconte la séance irréelle qu’il vient de
vivre. Henri Frenay a attaqué immédiatement sur le
problème des réfractaires : « Jamais il n’a fait preuve
d’autant d’agressivité, sans doute parce qu’il se faisait, sur ce point, le porte-parole des autres chefs. Son
mot le plus indulgent pour me condamner, ainsi que
le Général, est “trahison” ! »
À la surprise de * Rex, Emmanuel d’Astier de la
Vigerie et Jean-Pierre Lévy ont fait bloc avec lui :
« J’étais devant un tribunal populaire. » Bidault sourit.
« Une fois l’orage passé, j’ai abordé les choses
sérieuses, fait les comptes avec eux et chiffré les
besoins. C’est vrai qu’ils n’ont pas les moyens d’aider
les réfractaires. J’ai promis d’augmenter les budgets
et les armes et de tout faire pour éviter un carnage.
Mais j’espère qu’ils ont compris que les Anglais sont
sur Berlin et ne peuvent ajouter un seul avion à la
dizaine qui survole les pays occupés. »
Bidault et moi écoutons en silence. « Finalement,
tout est rentré dans l’ordre. Mais je ne me fais aucune
illusion sur la campagne qu’ils mènent auprès du
Général pour se débarrasser de moi. »
La deuxième partie de la réunion avec les chefs
était consacrée au Conseil de la Résistance. Frenay
ayant annoncé qu’il refusait d’y siéger, * Rex a proposé
que Bidault l’y remplace pour représenter Combat :
« * Charvet s’y est opposé furieusement. Bien qu’il
soit versatile, son veto me semble sans appel. Il veut
que le siège de Combat demeure vide. »
Bidault ne semble ni étonné ni chagriné : « De
toute façon, cela me paraît impossible de représenter Combat puisque je suis en désaccord avec ses
relations à de Gaulle. Personnellement, je préférerais que ce soit * Lorrain. On connaît ses a priori ,
mais il est ouvert, et les échanges avec lui sont toujours fructueux. J’espère que vous aurez moins de
difficultés avec les chefs de la zone nord. »
Sans répondre, * Rex poursuit son récit : « Heureusement, le général * Vidal [Delestraint] était absent.
Il n’a pas été question des problèmes de l’Armée
secrète. J’ai promis que la prochaine séance y serait
consacrée : je crains le pire. »
Bidault revient à la situation en France, qui
l’inquiète compte tenu des événements de la rue de
l’Hôtel-de-Ville. Il indique que la Gestapo devient
très active en zone sud : « Je crains que la saisie des
archives de l’AS ne lui donne des moyens beaucoup
plus efficaces. Peut-être ne l’avez-vous pas encore
remarqué, mais la vie clandestine est plus menacée
depuis votre départ. Je suis inquiet pour votre sécurité. L’extension de votre mission fait de vous
l’ennemi public numéro un. »
*Rex écoute attentivement. Bidault conclut : « Peut-être devriez-vous modifier votre existence et expédier un câble à Londres pour le leur signaler. »
Comme le patron lui indique qu’il souhaiterait que
cette information soit présentée par un résistant,
Bidault me donne rendez-vous : « Je vous remettrai
le texte demainmatin 25 . »
Nous nous séparons sur ces mots.
Je rentre directement rue Sala coder les câbles que
*Rex m’a remis : Montaut a une vacation aux premières heures du matin.
Comme souvent, j’y découvre ce que * Rex n’a pas
dit :
[…] situation plus grave que pensais — Obligé
calmer dirigeants qui croient action alliée imminente — Trois classes déjà parties et déportation
se poursuit rythme effrayant — Si livraison massive armes pas commencée immédiatement impossible compter bref délai sur
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