Alias Caracalla
plus. C’est pour nous tous une obligation aussi naturelle que de vivre.
----
1 . J’ignorais à l’époque ce que mes camarades — et davantage
encore ceux qui nous accueillaient — avaient pu éprouver ce soir-là.
On imagine quelle fut mon émotion quand je reçus, le 13 décembre
1944, le témoignage de Pierre Soubigou, un de ces garçons, qui
décrivait en termes semblables aux miens le sentiment qu’il avait
éprouvé en nous voyant arriver : « L’Olympia a été une étape
importante dans le regroupement des volontaires. Je me souviens
de l’arrivée d’un contingent de plusieurs centaines de gars, arrivant
un soir dans la pénombre de la grande nef du bâtiment. Massés
dans les étages, nous les interpellions. D’où venaient-ils ? Qui
étaient-ils ? Dans ce brouhaha, rapidement une certitude s’était
dégagée : ils étaient moins seuls, moins perdus, et soudain, spontanément, nous avons chanté La Marseillaise . Ce fut un moment
très fort, c’était sans doute la première manifestation de notre
communauté volontaire Free French , qui ne s’est pas démentie par
la suite. »
2 . De Roland Dorgelès, prix Fémina 1919.
3 . M’entretenant avec Saulnier le 13 mai 1995, je lui déclarai :
« C’est drôle que tu te souviennes de moi lorsque je me suis présenté pour m’inscrire à l’Olympia. — Il faut dire que c’était assez
original : “Comment vous appelez-vous ? — B O U Y J O U. ” Je m’en
souviens comme si c’était hier. »
4 . Le lieutenant Saulnier me confia, après la guerre, que la perte
de son carnet avait été un subterfuge pour permettre aux volontaires de modifier leur date de naissance. Ceux jugés trop jeunes
furent enrôlés dans les cadets de la France libre.
5 . Ce que j’écrivis dans mon cahier après cette visite ne dit mot
de mes déceptions et reflète l’enthousiasme général, en particulier
ma conversation avec Marmissolle. Exemple des difficultés que
rencontre l’historien pour atteindre à la vérité du passé. Yves
Guéna résume ainsi cette visite : « Il cherchait à expliquer plus qu’à
entraîner — et d’ailleurs nous étions déjà ralliés —, développant
avec calme et hauteur ses arguments, loin de ces aboiements à
quoi se résume pour beaucoup de militaires l’éloquence. Le ton
était exempt de toute familiarité ; il n’y perçait nul soupçon de
complicité avec ceux qui étaient là et qui épousaient sa querelle ;
nulle trivialité non plus, ni dans l’argumentation ni dans l’exorde,
rien qui ressemblât à “on les aura” ou à “je compte sur vous”. »
6 . Ville de garnison de la côte méridionale où étaient regroupées
les forces armées britanniques.
7 . À compter de ce soir-là, je devins un inconditionnel du
Général. Cette passion s’acheva en 1947, à la naissance du RPF
(Rassemblement pour la France). Je n’étais plus un soldat, et de
Gaulle n’était plus mon chef. Mes positions européennes et mondialistes m’éloignèrent de lui. Ai-je besoin d’ajouter que l’homme
de la France libre restera jusqu’à ma mort le symbole de la liberté
et du courage qu’il fut durant ces cinq années ?
8 . Les officiers appartenaient aux 6 e et 13 e bataillons envoyés en
Norvège en 1940. Sur les 737 chasseurs présents en Angleterre au
moment de l’armistice, seuls 37 y restèrent. Le lieutenant Dupont,
appartenant au 6 e BCA (bataillon de chasseurs alpins), cantonné à
Trentham Park avec la Légion et les troupes revenant de Norvège,
avait pris l’initiative, à la fin du mois de juin, de regrouper 170 jeunes venus de France et de les faire habiller par les Anglais. Le lieutenant Dupont, le capitaine Hucher et le capitaine Lalande avaient
décidé de constituer à l’Olympia une unité de chasseurs à pied, à
défaut d’alpins, afin de conserver au bataillon ses traditions et sa
spécificité. Pas assez nombreux pour former un bataillon complet,
nous avions cependant réussi à constituer trois compagnies : la 1 re ,
à laquelle j’appartenais, était commandée par le capitaine Lalande ;
la 2 e , par le capitaine Dupont, et la 3 e , par le lieutenant Sthal.
9 . Sur les 19 000 militaires réfugiés en Angleterre, il n’y eut que
900 « légionnaires », dont 37 chasseurs alpins et 7 officiers, les
autres ayant choisi de rentrer en France ( cf. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La
Weitere Kostenlose Bücher