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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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premiers à me rendre visite.

    Pour une raison que je discerne mal, mes relations
avec le premier se sont compliquées depuis notre
arrivée en Angleterre. Dans notre existence nouvelle,
nous sommes les seuls témoins réciproques de
notre passé. Depuis Saint-Elme, je subis le charme
des Marmissolle. Sans doute André possède-t-il sur
moi l’ascendant d’une intelligence associée à l’éclat
d’une jeunesse érigée en séduction. Il n’en va pas de
même avec Philippe. Réservé, silencieux, son intelligence se manifeste par des remarques laconiques,
où l’humour se marie au bon sens. Son silence le
pare d’un charme corrupteur.

    Au collège, je n’ai eu de cesse de chercher à le
séduire, attiré par sa grâce mystérieuse, dont le symbole irrésistible est une fossette mutine : lorsqu’il
sourit, son visage rayonne d’une innocence espiègle. En dépit de l’ambiguïté de mes sentiments, nos
relations ont toujours été faciles. Les escalades en
montagne, en compagnie de ses frères, les ont encore
approfondies.

    Depuis notre départ, je suis rassuré par sa présence  : le passé est toujours vivant, et puis il y aDomino entre nous. Il me l’a présentée parce que
son amie était une camarade de classe de Domino.
À Londres, j’ai vécu l’annonce brutale de son départ
comme un déchirement d’autant plus vif qu’il m’a
semblé ne pas en être affecté. Je n’en souffre que
davantage. Comme tous ceux que j’aime, je considère qu’il est à moi. Bien que son départ soit reporté
et sa section proche de la mienne, notre intimité
s’est distendue sans que j’en soupçonne la cause.

    À Delville, du fait de la géographie du camp, les
choses semblent soudain s’aggraver. Hier, il m’a
annoncé à nouveau son départ. Aujourd’hui, il m’a
écrit une longue lettre, dans laquelle il se confie
librement, comme jamais auparavant. Malheureusement, il écrit ce que je refuse d’entendre : mon
affection est un carcan, et il a besoin de liberté. Un
détail n’est pas sans importance : il a quitté Pau
sans avertir son oncle, et il est sans argent. Depuis
le départ, je partage avec lui tout ce que je possède.
Il m’avoue ne pas supporter cette dépendance.

    Sa réaction m’est tellement insupportable qu’elle
accroît encore la distance entre nous.

    Dimanche 14 juillet 1940

     

    De Gaulle au cinéma

    Le camp de Delville est mitoyen de celui de Morval.
C’est là que la demi-brigade de la Légion étrangère
a été installée après son ralliement à de Gaulle.

    À l’aube de ce 14 Juillet, les légionnaires ont quitté
le camp pour défiler à Londres. En compagnie de
quelques fusiliers marins, ils sont la seule troupe en« état de marche » du Général. La 1 re  compagnie et
la 2 e , dont je fais partie, n’iront à Londres qu’après
déjeuner.

    Quand nous arrivons à Victoria Station, nous trouvons la gare décorée de drapeaux français. Nos officiers nous conduisent en rangs par trois vers le
New Victoria Theater, un cinéma jouxtant la gare.
Sur le court trajet, une haie d’hommes et de femmes se presse autour de nous. Nous avons quelque
peine à nous frayer un passage au milieu de cette
foule chaleureuse et criant : « Vive de Gaulle ! Vive
la France ! »

    Tandis que je passe devant deux jeunes Françaises
qui me touchent presque, j’entends l’une d’elles
s’exclamer en se penchant vers son amie : « Comme
ils sont jeunes : on dirait des enfants. » Prononcées
par ma famille, de telles paroles m’auraient révolté ;
aujourd’hui, elles m’émeuvent aux larmes.

    Nous entrons dans le cinéma, où le Général nous
a invités à une matinée récréative. Nous montons
vers les mezzanines, où se rassemble la légion de
Gaulle.

    Le Général pénètre dans la salle à 2 heures précises. Nous nous levons tandis qu’il s’installe au premier
rang, entouré de nos officiers. Après avoir enlevé
son képi, il se lève et se tourne vers nous :

Le 14 Juillet, symbole de la liberté, est aujourd’hui un jour de deuil pour la France trahie. Pour
les Français qui veulent rester libres, unis dans la
volonté de libérer la patrie, il demeure le symbole de
l’espérance. Refusons l’affliction et la résignation
d’une bataille perdue. Je vous ai conviés à fêter
notre volonté d’être fidèles à la France.

    Hier soir, j’ai écouté avec mes camarades son
discours commémoratif du 14 Juillet. J’ai aussi

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