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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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charme de sa présence rayonne. Je suis
conquis dans l’instant : « Que lisez-vous ?

    —  Paludes . Vous aimez Gide ?

    — C’est mon libérateur. Mais Paludes est un des
rares livres que je n’ai pas lus.

    — Je vous le prêterai. Ce n’est peut-être pas son
meilleur, mais le plus curieux assurément.

    — Si nous déjeunions ensemble ? » propose
Vourc’h.

    Hessel a la voix caressante, aux inflexions rieuses.
Son humour agrémente un savoir dont quelques
minutes de conversation me permettent de mesurer
l’étendue. Son caractère grave et enjoué m’évoque
André Marmissolle, le cynisme en moins. Quand
nous parlons des Allemands, il ne dit pas
« Boches » mais « nazis ». Aucun de mes camarades
ne prononce ce mot, que seul France imprime régulièrement. Je ne puis m’empêcher de préciser :
« Les nazis ne sont pas les seuls criminels ; le peuple allemand tout entier est maudit.

    — Croyez-vous ? »

    Il y a dans ces mots, dans son regard moqueur,
une sévérité imperceptible, m’incitant à la prudence. Son intonation insinue un doute dans
mon assurance. Après tout, je ne connais rien de
l’Allemagne et me contente de répéter, comme sur
bien des sujets, ce que j’ai entendu dire par ma
famille, leurs amis et, bien sûr, Maurras.

    Afin de protéger ma retraite, je fais appel à son
autorité suprême : « En tout cas, c’est ce que pense
Maurras.

    — Ah ! Maurras, évidemment. »

    C’est alors que Vourc’h, qui n’a dit mot, se jette à
la traverse : « Il faut que je te dise que Cordier est
royaliste.

    — C’est ce que j’avais cru comprendre. » Nous
éclatons de rire.

    Hessel a rejoint de Gaulle pour combattre. En
1940, il a participé à des opérations sur le front
avec les corps francs. Cette information, lancée au
détour d’une phrase, m’étonne tant il paraît jeune.
Peut-il être déjà un « ancien combattant » ? Je ne
sais ce qui me touche le plus : qu’il ait déjà combattu ou qu’il en parle avec le détachement d’une
expérience insignifiante.

    Jeudi 24 avril 1941

     

    Un message du passé

    Sept mois après ma lettre à mes parents, je reçois
la réponse, par le même canal. Ma joie est identique, mais ma déception plus grande : toujours rien
de Domino. Je comprends mal ce silence après que
ma mère m’a dit lui avoir remis mes lettres.

    Elle me transmet également le souvenir de toutes
ses amies, dont certaines m’ont vu naître, ainsi que
de notre fidèle Anna, maîtresse femme qui dirige
la maison depuis mon enfance : « Elle ne peut se
consoler de ton départ ; elle m’a dit avoir le même
chagrin que si c’était son fils. » Elle me donne aussi
des nouvelles de mon ami Henri Blanquat, membre
actif du cercle Charles-Maurras de Bordeaux : « Il
est dans un camp de jeunesse des environs. Il est
venu déjeuner à la maison. »

    Mon beau-père, après s’être inquiété de mon
silence et de la rigueur de l’hiver, me donne des
informations plus détaillées sur la famille. Mon
grand-père est enfin venu de Bordeaux passer la
Noël avec eux. Malheureusement, son laissez-passer
n’a pas été renouvelé :

Je vais le voir à peu près tous les mois [à
Bordeaux] en allant m’occuper des autobus et
des clients des carrières. Là-bas la vie devient difficile. Les voraces se sont abattus sur tout ce qui
se mange et s’utilise. Ils raflent tous les magasins
pour envoyer chez eux. Ce qu’ils n’ont pu enlever
et n’enlèveront jamais, c’est ce qui fait le cœur
même de la France. Ayant repris conscience
d’elle-même au moment où, après cent cinquante
ans de dénaturalisation méthodique, elle saignait
d’être brutalement et matériellement dénationalisée. Cette réaction lui a donné une dignité dans
l’épreuve, une foi dans l’avenir, une force de vie
et un moral auxquels les Allemands ne comprennent rien. Ils s’attendaient à l’effondrement et à
la pagaille alors qu’ils assistent à un resserrement de l’unité nationale autour du vieux chef
qui a rallié tout le monde et a fait en sept moisune France, là où il n’y avait que confusion et
désordre de partis ayant définitivement submergé
tout sens national.

    Pinglé [un des collaborateurs de mon beau-père] est ici le chef des jeunesses de la Légion
des combattants de 1939-1940. À ce titre, il a
demandé à prendre en main les jeunes non
encore combattants. C’est évidemment de ce
côté qu’est

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