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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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l’avenir et c’est chez les jeunes qu’il
faut travailler le plus. Là, tu aurais pu rendre de
gros services, et Pinglé regrette bien que tu ne
sois pas là pour l’aider.

    L’heure va sonner de la grande offensive et
nous la voyons arriver avec angoisse. Elle est
nécessaire car il ne peut y avoir de décision
sans elle, mais nous pensons avec inquiétude à
tous les dangers que tu vas courir. Sois bien
prudent ; ceci ne veut pas dire sois peureux ou
lâche, mais cela veut dire ne néglige aucune précaution, évite tous les dangers inutiles. Les
beaux gestes ne sont pas les manifestations
romantiques qui ne conduisent à rien, mais les
gestes qui, en échange du danger qu’ils peuvent
comporter, entraînent des avantages certains en
vue du but à atteindre.

    Songe que nous sommes sans doute beaucoup
plus près de la fin que tu ne crois et qu’il faut
être là pour la fin. Cette fin-là doit être le commencement d’une France nouvelle déjà en gestation ici.

    De cette longue missive, je ne retiens qu’une
chose : mon beau-père prêche la prudence ; en
clair, il me conseille de me planquer . Cette blessure
ne cicatrisera jamais. Me demander d’imiter leshommes qui, dans les guerres, survivent et profitent
de la victoire des morts ? Comment lui, héros de la
Grande Guerre, grand invalide, peut-il s’abaisser à
de tels préceptes alors que c’est grâce à lui que je
participe à la revanche ?

    Cet homme que j’admirais, qui a supplanté mon
père dans un cœur d’enfant et dont j’ai adopté les
idées politiques : quelle déception ! Mon indignation est si forte que je ne réponds pas et interromps
définitivement notrecorrespondance 4 . À son égard,
quelque chose s’est brisé définitivement en moi.

    Je griffonne quelques lignes elliptiques sur mon
cahier, en m’arrêtant, comme toujours, aux limites
non pas de la vérité, mais du compréhensible, afin
de me protéger. Seul Philippe aurait pu entendre ce
nouveau secret de famille, seul il aurait pu comprendre et me consoler. Où est-il mon cher Philippe
en cet instant où j’ai tant besoin de lui ?

    Lundi 5 mai 1941

     

    Sergent armurier

    Les résultats du peloton sont enfin proclamés  : je
suis nommé sergent ainsi que Briant, Carage, Griès,
Loncle, Kerjean, Léon et Leroux. Deviennent aspirants Beaugé, Boilley, Loaec, Podeur, Daruvar et
Vourc’h.

    Je suis nommé armurier du bataillon. À ce titre,
j’ai la responsabilité des armes et des munitions.
Mon beau-père serait comblé d’apprendre cette
nomination considérée comme une sinécure. Je la
juge honteuse.

    Mon prédécesseur me fournit l’inventaire en me
souhaitant bonne chance. Il ne souffle mot des problèmes liés à la « sinécure », mais semble heureux
de passer la main.

    Ce premier jour, je vérifie le nombre exact des
armes dont j’ai hérité. Pour les mortiers, c’est facile :
ce sont des pièces importantes, de même que les
mitrailleuses entreposées près de mon bureau. En
revanche, pour les fusils, je dois faire le tour des
chambrées et vérifier un par un les numéros des
fusils présents dans les râteliers.

    Je demande au lieutenant Dupont l’autorisation
d’effectuer ce contrôle pendant les heures des repas
afin de ne pas déranger mes camarades. Je prends
soin d’y inclure les armes du poste de garde. Contrôle
terminé, il manque dix fusils ! Novice, je m’accuse
d’une erreur. Je recommence avec une attention
scrupuleuse, ne souhaitant pas marquer ma prise
de fonction par une faute aussi conséquente. Stupéfaction : après ce nouveau comptage, il y en a trois
de trop !

    Je cours voir mon prédécesseur pour qu’il me
donne la date de son dernier inventaire : « Je n’ai
rien vérifié et t’ai transmis la liste que l’on m’a remise
il y a deux mois. » C’était le sous-officier en titre, parti
pour l’Afrique au mois de mars, qui l’avait constituée, et mon prédécesseur n’était qu’un intérimaire.

    Un détail me surprend : depuis notre arrivée àDelville, chaque fusil a été attribué à un chasseur,
avec un numéro correspondant. Je m’en ouvre au
lieutenant Dupont, qui me répond  : « Faites une inspection. Chaque chasseur vous présentera son arme,
et vous vérifierez par vous-même son numéro. »

    Je consigne donc le bataillon dans les chambrées
durant l’après-midi. Coup de théâtre : pas un seul
fusil n’est entre les mains de son dépositaire attitré !
De

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