Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
de France entouré de vassaux ayant des liens plus ou moins serrés avec Frédéric Barberousse. Henri fait savoir aux légats qu’il ne se prononcera pas tant que le roi de France ne l’aura pas fait. On sait que le roi de France est sur le point de se déclarer pour le parti d’Alexandre. Les légats comprennent que s’ils veulent une reconnaissance du roi d’Angleterre concomitante à celle du roi de France, il leur faut négocier avec les Plantagenêt. En secret, ils cherchent à savoir quel est le prix du ralliement anglais : une dispense d’âge pour permettre le mariage de Marguerite de France et d’Henri le Jeune. Les légats acceptent.
Courant novembre 1160, les deux souverains reconnaissent simultanément Alexandre III pour le vrai pape. L’annonce à peine faite – nous sommes toujours en novembre – Louis VII apprend la célébration du mariage des deux enfants – ils n’ont pas huit ans à eux deux ! Henri s’empare aussitôt de la dot de la petite princesse avec la complicité passive des Templiers qui, depuis le traité de la Pentecôte, étaient chargés de veiller sur cette dot. Le chroniqueur Guillaume de Newburgh relate ainsi l’événement : « Impatient de tant attendre [il] célébra prématurément le mariage entre les deux enfants et s’empara des châteaux tenus par les Templiers. Sachant cela, les Français furent pris d’une furieuse colère et accusèrent le roi de duplicité et les Templiers de trahison. » En réaction, le roi de France chassa les Templiers de leur maison de Paris. La trêve était à l’évidence rompue. Des deux côtés on s’agite, on fortifie les châteaux, on double certaines garnisons, on réunit une armée… mais tout cela ne mènera pas à la guerre. Louis sait qu’il n’est pas de taille à lutter contre Henri sur ce terrain. Il décide de s’incliner. Une nouvelle fois, à la fin du printemps 1161, un armistice est signé entre les deux souverains. Il semblerait même qu’à cette occasion on ait évoqué la possibilité d’un mariage entre le second fils d’Henri et d’Aliénor, Richard, alors âgé de quatre ans, et la seconde fille de Constance et de Louis, Aélis, encore bébé. Mais pour les Plantagenêt, cette paix revêt une importance toute symbolique : enfin, Henri a récupéré ce Vexin normand qu’il convoite depuis des années… et sans verser une goutte de sang !
La reine Aliénor a passé une grande partie de l’année 1160 en Angleterre. Nous ignorons exactement à quel moment elle rejoint son mari sur le continent, mais sa présence est attestée à ses côtés pour les fêtes de Noël qu’ils célèbrent au Mans. Ils vont rester ensemble toute l’année 1161. En septembre, la reine met au monde son huitième enfant, le sixième avec Henri. C’est une petite fille dont l’un des parrains est Robert de Torigni qui mentionne sa naissance dans sa chronique : « La reine Aliénor, à Domfront, met au monde une fille, que le cardinal Henri, légat de l’Église romaine, baptisa, et Achard, évêque d’Avranches, et Robert abbé du Mont-Saint-Michel, avec de nombreux autres, tinrent sur les fonts baptismaux et elle fut appelée Aliénor, nom de sa mère. »
Depuis la campagne de Toulouse, le chancelier Thomas Becket est resté sur le continent auprès d’Henri. On sait qu’il a pris goût à la guerre, il participe donc aux escarmouches du début 1160 et on peut considérer qu’il n’est pas étranger non plus à la manœuvre diplomatique autour du ralliement à Alexandre III.
Pendant ce temps, de l’autre côté de la Manche, Thibaud, le vieil archevêque de Canterbury, se meurt. À plusieurs reprises, il envoie des lettres à Thomas lui demandant de venir le rejoindre car, ce n’est un secret pour personne, Thibaud souhaite que Thomas lui succède. Henri est d’accord. Comment ne pourrait-il pas envisager avec enthousiasme de voir son meilleur ami et son serviteur le plus fidèle prendre la tête d’une Église dont les privilèges et l’indépendance le gênent et sur laquelle il est déterminé à installer sa propre autorité ? Selon toute probabilité, Aliénor envisage également cette perspective d’un bon œil. Pour elle Thomas est un peu envahissant ; élu au siège archiépiscopal, il serait obligé de rester dans l’île, ce qui ne serait sans doute pas pour déplaire à la reine. Deux personnes pourtant ne sont pas convaincues que cette élection soit judicieuse : la
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