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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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du baronnage est la première étape vers un couronnement du jeune homme, du vivant de son père, afin d’assurer la continuité dynastique. Même si l’affaire est importante, personne n’est dupe du fait que la présence du chancelier en Angleterre a surtout pour but son élection au siège archiépiscopal de Canterbury. Pourtant Thomas ne « fait pas campagne » lui-même. Ce serait du plus mauvais effet. Pour mener l’opération, Henri a dépêché dans l’île son justicier, Richard de Lucé. Le chroniqueur Roger de Pontigny nous a transmis le discours que le justicier a prononcé au monastère de Christchurch. Sans doute réécrit, ce discours montre bien la manière très habile dont les souverains anglais agissent : « Le roi notre maître est animé d’un grand zèle pour les choses de Dieu […] et spécialement pour cette noble Église de Canterbury qu’il nomme sa mère dans le Seigneur et qu’il chérit d’un cœur de fils, avec une constante et respectueuse affection. C’est pourquoi, voulant prévenir les troubles et les maux qu’une longue vacance du siège pourrait causer, il vous fait savoir que vous êtes libres de choisir votre archevêque […]. C’est votre mission et votre intérêt d’élire un personnage dont la protection vous serve devant Dieu et devant les hommes. Car, si le roi et l’archevêque sont unis ensemble par les liens d’une amitié mutuelle, les temps en deviendront plus heureux, et la situation de l’Église en restera plus tranquille et plus prospère. Mais si, par malheur, il en était autrement, ce qu’il en résulterait de complications et de peines, de difficultés et de troubles, de dangers pour l’État et le salut des âmes (…). »
    Par prudence Henri et Aliénor se gardent bien de revenir dans l’île à cette période ; ils veulent absolument éviter que leur présence puisse être interprétée comme une volonté d’intimidation de leur part. Leur fils est là, les barons viennent de lui prêter hommage, il est le futur roi d’Angleterre, cela suffit. Pour prendre tant de précautions, il fallait que les Plantagenêt considèrent que cette élection revêtait un enjeu particulièrement important. Ils n’oublient pas que six ans auparavant, le pape Adrien IV avait solennellement renouvelé l’interdiction de sacrer évêque tout candidat désigné par le pouvoir civil. Pas plus qu’ils n’oublient le camouflet qu’Henri avait subi quelques années plus tôt au moment de l’élection de l’archevêque de Bordeaux. L’incident, rapporté dans l ’Histoire des évêques et des comtes d’Angoulême, illustre la nature des rapports entre pouvoir ecclésiastique et pouvoir civil, et nous donne une très bonne indication des raisons de l’attitude particulièrement discrète du roi et de la reine d’Angleterre à la fin du printemps 1162 : « À la mort de l’archevêque de Bordeaux, Godefroy, les chanoines de Bordeaux donnèrent leurs voix pour l’élection aux évêques d’Angoulême, Agen, Poitiers, Saintes et Périgueux. Comme ceux-ci s’étaient réunis pour traiter en secret de l’élection, le roi Henri II s’introduisit dans l’assemblée, demandant que Jean de Sicle, écolâtre de Poitiers, soit élu par eux comme archevêque. Le roi voulait assister en personne à l’élection, pour empêcher un évêque de dire quelque chose qui aille contre sa volonté. En présence du roi, les évêques restaient interdits et silencieux. Seul le vieil Hugues, évêque d’Angoulême, prit la parole : » Seigneur roi, c’est à nous, dit-il, que selon le droit, l’élection a été confiée ; nous ne pouvons délibérer en votre présence ; tant que vous resterez parmi nous, nous ne dirons rien de l’office ecclésiastique ni de l’élection qui nous a été confiée et nous ne promouvrons pas celui qui a été antérieurement promu par vous. » En entendant cela, le roi tout triste et plein de rancœur se retira {44} . »
    Les manœuvres d’Henri et d’Aliénor portent leurs fruits. Le 27 mai 1162, dans le réfectoire de l’abbaye de Westminster, Thomas Becket, chancelier d’Angleterre, est « solennellement élu archevêque, sans aucune opposition » si l’on en croit Raoul de Diceto.
    Petit problème, Thomas n’est que diacre ; on se souvient qu’il avait reçu les ordres mineurs dans la plus grande précipitation juste avant d’être nommé archidiacre. En l’occurrence, on va procéder avec la même

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