Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
l’amour entre Henri et Aliénor ? Sans doute, mais pour le percevoir il faut essayer d’observer les choses en filigrane. Ce ne sont pas les événements qui nous le disent, c’est la rapidité avec laquelle ils se sont déroulés. Il est clairement établi que c’est Aliénor qui a décidé de tout, à la fois du divorce et du mariage. Il n’était pas absolument nécessaire que la duchesse se remarie aussi vite. À plus ou moins long terme, elle ne pouvait pas gouverner seule ses États, mais de là à précipiter les choses… Cette précipitation n’a rien à voir avec la politique. Aliénor a rencontré l’homme de sa vie, elle le sait, elle a trente ans, elle n’a pas de temps à perdre ! Et si Henri semble se laisser conduire, nous verrons que la passivité n’est pas dans son caractère. Il n’est pas homme à se laisser imposer quoi que ce soit. Il a voulu ce mariage tout autant qu’Aliénor, et la « rapidité » du déroulement des événements est aussi de son fait.
Lorsque la duchesse entre dans Poitiers, Henri est à Lisieux. Il prépare une expédition vers l’Angleterre. Le 6 avril, il préside dans la ville une cour plénière pour laquelle il a réuni tous ses barons normands. Le projet est donc sérieux, important, et va nécessiter toute son énergie. Mais dès l’appel d’Aliénor, il laisse les choses en plan et se précipite à Poitiers. On aurait pu s’attendre à ce que l’union de deux princes aussi importants se traduise d’abord par de longues tractations, comme c’est le cas lors d’un « contrat »… pas du tout ! Ils ne négocient rien et se marient le plus vite possible dès qu’ils sont réunis. L’un et l’autre sont des personnages politiques. Ils sont intelligents et ont le sens de leurs responsabilités ; ce sens des responsabilités précisément leur imposait le contraire de la précipitation. C’est pourquoi je veux croire que là se cache cette part de sentiments que les chroniqueurs de l’époque ont négligée.
Le mariage a lieu « dans l’intimité » comme nous dirions aujourd’hui. Henri et Aliénor n’ont pas eu le temps de convoquer tous leurs barons et d’organiser une grande cérémonie. Ils ne l’ont sans doute pas souhaité. Le divorce est trop proche. Il est évident que si Louis VII avait eu vent du projet, il aurait tout fait pour le contrarier ; Guillaume de Newburgh semble convaincu : « Elle et le duc de Normandie se rencontrèrent dans un lieu déterminé et scellèrent leur pacte matrimonial, moins solennellement que leur qualité ne l’aurait exigé, mais avec une grande circonspection, ne doutant pas que les préparatifs d’un mariage officiel ne soulèvent beaucoup d’obstacles. » C’est donc entourés seulement par quelques barons qu’Henri et Aliénor s’unissent dans la cathédrale Saint-Pierre. Ensuite, un banquet est donné au château de Poitiers. Le palais est envahi de jongleurs, conteurs et autres musiciens. C’est une joyeuse cacophonie qui se prolongera tard dans la douceur de la nuit poitevine, bien après que le couple nouvellement marié s’est retiré dans ses appartements.
3 Un couple
Un couple vient de se former. Pour l’instant, la nouvelle de cette union ne s’est pas encore répandue ; ce sera vite fait et elle fera grand bruit. Ce couple va dominer politiquement la seconde moitié du XIIe siècle et créer une dynastie qui sera à l’origine d’un des événements majeurs de l’histoire du Moyen Âge en France : la guerre de Cent Ans. C’est dire l’importance de ce mariage, presque en catimini, et du couple formé par cet homme et cette femme qui s’étaient rencontrés à peine quelques mois auparavant et que rien ne destinait à s’unir.
Combien de temps l’annonce de leur mariage a-t-elle mis pour être connue et parvenir à la cour de France ? On peut penser que ce fut l’affaire de quelques jours tout au plus. La réaction du roi Louis VII sera violente, on peut s’en douter !
Profitons de ces quelques jours de « répit » pour tenter de mieux connaître le couple Henri et Aliénor. Du moins ce que l’on peut apprendre par les documents qui nous sont parvenus, chroniques et actes officiels essentiellement. Que représentent-ils politiquement et historiquement en 1152 ? Tous les deux sont issus de « très noble » lignée. Leurs familles respectives ont émergé dans la période qui a suivi l’éclatement de l’Empire carolingien. Autour
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